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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 10:05

Litttérature

Marie Darrieussecq

“Il faut beaucoup aimer les hommes”

P.O.L., 2013

 

         Il faut beaucoup aimer les hommes” soupire le titre de ce nouveau roman de Marie Darrieussecq. Cette petite phrase que l’on doit à Marguerite Duras comporte une suite. On la trouve plus loin citée en exergue : “Il faut beaucoup, beaucoup aimer les hommes. Sans quoi cela n’est pas possible, on ne peut pas les supporter”. Solange, l’héroïne du roman, en fait dans ces pages la triste expérience.

            Le coup de foudre se produit au seuil d’une soirée chez Georges, à Los Angeles. “Elle l’a vu, lui, et seulement lui”. “Un champ de force” émanait de sa personne. “Elle entre dans son champ magnétique”. “Elle n’aspire plus, désormais, qu’à s’y désintégrer”. Parmi les invités, il est vrai, l’homme se distingue. Il est grand, élégant, beau, noir. Et Marie Darrieussecq le définit d’une de ces petites phrases dont elle a le secret : “C’était un homme avec une grande idée”. L’ambition de ce type brillant, qui ne s’est pas encore fait un nom, est de tourner un film dans les forêts du Congo. De réaliser pour l’écran l’adaptation du roman de Joseph Conrad “Au cœur des ténèbres”. Solange pourrait y tenir un rôle. Un projet fou. Solange n’y croit pas. “Atteint-on jamais le Congo ?”. La question sous-jacente étant plutôt : Atteindra-t-elle jamais le cœur de cet homme ? La grande idée qu’il poursuit “est comme une autre femme”. Une rude concurrente. Et pour compliquer les choses cet amant est un taiseux. Ne nourrit pas la relation par l’expression de ses sentiments. S’absente de plus sans donner de nouvelles. Survient sans crier gare. Lui reproche secrètement d’être une Blanche. Il est, de surcroît, plus ou moins américain, alors qu’elle est française. Dès lors : “Etre un Noir et une Blanche, se résigne-t-elle. Pas juste un homme et une femme ; il faudra qu’elle s’y fasse. La faute n’en revient ni à lui ni à elle, mais date des rafles dans les forêts”. Comment deux êtres se débrouillent-ils avec ces différences ? Ils ne partagent pas la même histoire. On est reconnaissant à Marie Darrieussecq d’aborder la question en évitant les simplismes de la pensée correcte.

            On peut certes se montrer agacé, dans la première partie de l’ouvrage, d’avoir à fréquenter Los Angeles et les milieux friqués du cinéma. Comme si cette approche était requise pour être quelqu’un et valoir quelque chose. Cette allégeance obligée à la société dominante et à son langage commence à devenir lassante, un peu servile. Dans la seconde partie, néanmoins, la brillance du monde hollywoodien se voit confrontée, en Afrique, au cœur des ténèbres. L’effet de réel est alors saisissant. Voire étouffant. Marie Darrieussecq, se dit-on, est allée elle-même affronter le Congo. Son style a de l’impact. Elle fait partie à mes yeux, avec Véronique Ovaldé et Virginie Despentes, d’un groupe original d’écrivaines qui comptent. Son livre en tous cas est un livre qui pense. De sa lecture, on peut même retirer une morale. Il faut beaucoup aimer les hommes, pas trop.

o

 

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