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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 09:11

Intime

 

Anecdote

  

            Il est midi, c’est dimanche. Tel un ponton jeté sur les flots, la salle à manger (lumineuse) s’avance sur le pré. Un vaste pré d’herbe rase, qui offre aux pieds la tentation de marcher sur les eaux. A l’horizon, une haie le limite et dessine une courbe élégante. Au milieu de la baie, un peu à gauche, un petit arbre frêle. Un ginkgo biloba, déjà effeuillé par l’automne. Il se dresse comme un mât. Nouvelle invitation au voyage. Il fait beau. Il fait bon. Nos hôtes sont charmants. La table est accueillante. Au menu les produits de la pêche : carrés de saumon mordorés, dorade luisante étendue sur un plat, vin blanc du pays… Pour dessert : tarte paysanne venue des hautes terres.

            Je tourne le regard. Elle me regarde. Son visage est impassible. De l’invité elle attend quelque chose. Une remarque, un geste, un mot d’esprit. Qu’il morde en somme à l’hameçon. La moindre des choses. Or ma pensée consciente ne voit que le regard. Non l’insolite de ce qui l’entoure. Elle, la sphinge, porte nouvellement des lunettes. Ressemble à Nana Mouskouri. Ou, très classe, à l’attachée de direction d’une entreprise multinationale. Mon cerveau fidèlement l’enregistre. Mais moi, sur le moment, de tout cela je ne voit goutte. L’œil que je montre, à n’en pas douter, doit faire songer à celui d’un vieux congre, animal réputé peu malin. J’oublie l’instantané. La table est joyeuse. (Non sans avoir une pensée pour celui d’entre nous qui aujourd’hui n’est point là.).

            Trois jours ont passé. Je fais irruption hors de ma chambre. Je viens de réaliser une chose importante. Je hèle Carla. –“Qu’arrive-t-il ?”. –“Avez-vous remarqué que notre jeune amie, Mélanie, porte à présent des lunettes ?” (Comment Carla qui voit tout ne l’aurait-elle pas remarqué ?) –“Assurément, cher Arnold. Mais ces lunettes, n’est-ce pas, elles étaient pour le rire. Pour l’amusement, non ?

            Avais-je donc à ce point nagé en eau trouble pour ne pas m'en rendre compte ? Sans demander mon reste je rejoins l’ombre. L’ombre de mon rocher dans les profondeurs. A défaut de noyer le poisson.

o

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