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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 10:50

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 Intime

Un moment parfait

 

            Nuit. Carla et moi, allongés dans le noir, sommeillons côte à côte sous la couette. Nous goûtons la quiétude d’un grand lit douillet posé à même le sol sur le rectangle d’un vaste tapis. La veille, nous avons dîné, pour honorer la venue de la dame, d’un fabuleux “Jambon-chips-salade” arrosé de pastis. En nous endormant, nous étions un peu pompettes. A présent, chacun se croit seul réveillé, après avoir bénéficié d’un bon gros sommeil réparateur. Le silence est profond. Il est trois heures du matin. La radio, doucement, diffuse une musique. Une musique d’une élégance merveilleuse. Sous le jeu habile de ses doigts, le pianiste semble créer magiquement chaque note. Chacune est un joyau. Un perle d’une pureté incroyable. Elles dessinent, dans leur déroulement, les méandres d’un collier accroché au cou de la nuit.

           Prodigieux ! Ce que l’on entend ici est prodigieux”, dit une voix. Qui a parlé ? Nous savions-nous tous les deux éveillés ? Cette voix est la mienne, puisque celle de Carla lui répond, identifiant l’œuvre sur le champ : Sonate pour piano en Si mineur de Liszt. Interprétée peut-être   par Claire-Marie Le Guay.”

            Un moment plus tard, adossés aux coussins et autres polochons, nous devisons, tels des villageois sur le banc de leur vieille maison. Les volets sont ouverts. La grande fenêtre horizontale laisse apparaître la nuit. Il est 3h30. Nous allumons. La journée pour nous commence. Bientôt, se penchant sur le côté, chacun saisit son livre de lecture. Rires. La situation est cocasse. Carla tient dans ses mains “Soumission”, de Michel Houellebecq. De mon côté, j’ai ouvert le dernier roman de Virginie Despentes, au titre imprononçable de “Vernon Subutex”. Deux écrivains représentatifs du fragment de siècle où nous vivons. Comment ne pas interrompre de temps en temps la lecture de l’autre en citant une phrase ? Petit café amer vers 4 heures du matin. Un café appelé “Préalable”. Préalable à quoi ? Mais au lent rituel du petit déjeuner de Carla, le tout constituant un moment parfait. Pourquoi, ce moment, ne pas l’énoncer au milieu des horreurs du monde ? Nous rappelant la Corniche des Cévennes, il y a 20 ans, la forêt sur le bord de la route, au-dessus de la somptueuse Vallée Française. C’était un matin de septembre, il faisait beau. L’auto, rapide, pleine de musique, était venue se garer non loin de nous, diffusant une pièce pour piano attendue, aurait-on dit dans le paysage. “la Romance en fa de Robert Schumann, avait murmuré Carla, dédiée à sa femme, Clara”… Un moment, comme celui-ci, inoubliable.                             Les bonheurs se répondent.

 

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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 17:17

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Intime

 

Nouvelles du monde

 

Le train, il y a 4 jours, avait mis cinq heures.

Cinq heures pour nous transporter de Lyon à Orange.

L’avant-veille mon dentiste m’avait fait des misères.

Cette nuit, dans mon rêve, le train était bondé.

On se trouvait debout dans les couloirs.

Le contrôleur, homme irascible et gris

me faisait la leçon

Je lui ai mordu le doigt.

 

Carla et moi, en guise de consolation

nous nous sommes offert une bière à la terrasse d’un café

Une “1664

Il faisait beau

1664 est la date de la création, il y 350 ans

- de la Compagnie des Indes par Colbert

- de la première publication des Fables de La Fontaine

- de la première de Tartuffe, à Versailles.

- du baptême de la ville de New York par les Anglais

Cela nous fait une belle jambe.

Et à vous ?

 

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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 08:04

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Intime

“Belle Ile en Mer”

 

          Ce jour, pour nous, est le jour d’un anniversaire. En matière de température c’est le premier jour de l’été. Le soir descend. Les martinets dessinent des paraboles dans le ciel. L’imagination a été la plus forte. Nous avons fait le voyage. Nous voici à “Belle Ile en Mer”, et contents d’y être.

           Belle Ile en Mer” est le nom du petit restaurant auprès duquel, après avoir tiré un bord loin des établissements huppés des Brotteaux, nous avons par imprudence accosté. Sur le ponton de bois qui mord sur la rue, la table est mise. Elle nous dispose, Carla et moi, en vis-à-vis l’un de l’autre. Caché derrière la masse noire du petit chaudron que l’on a déposé devant moi, c’est à peine si j’entrevois le front de ma valeureuse équipière. Sa voix pourtant me parvient, mêlée aux bruits de la rue, portée par un petit vent du ponant. Elle exprime, crois-je entendre, sa satisfaction d’être là, depuis le temps qu’elle désirait enfin déguster des moules. Et des moules-frites !” je lui hèle à contre vent. Moi qui, barbare, rêvait depuis des siècles de m’en offrir une formidable ventrée. Elles sont ce soir je dois dire purement décoratives. Voire un peu molles, et fort peu salées. Mais le vent du large auquel j’ai songé tout l’après-midi a redoublé l’indulgence de mon appétit. En polisson, je pique même quelques-unes de ces mollassonnes dans l’écuelle de ma partenaire qui, par amour je suppose, ne manifeste aucune résistance. Notre bonheur est complet. Pour les moules, le garçon –un gentil matelot à l’accent du Jura– nous a prévenus : “Elles n’auront pas ce soir la saveur des moules de Concarneau. Elles auront cependant du charme. D’abord, elles sont énormes. Ensuite elles proviennent, sachez-le, des côtes sauvages de l’Irlande ”. A l’évocation des côtes sauvages de l’Irlande les yeux de Carla scintillent comme une étoile de mer. C’est plus qu’elle n’en espérait. Illustrant par là l’assertion de Lévi-Strauss : “Ce qui est bon pour la pensée est bon pour le goût”. Dans la marmite où plonge mon regard les coques luisantes et noires effectivement sont géantes. Elles cachent il est vrai un petit corps de chair jaune, recroquevillé, tirant sur le blanc, d’un aspect un peu décevant. Elles trempent de surcroît dans une sorte de soupe qui trouble l’imagination. Ses reflets moirés rappellent, en plus moussu, le dessin ouvragé que présente une nappe de pétrole répandue sur les eaux du port. Sans toutefois nous livrer, nous le regrettons, l’arôme de vin blanc qui contribue à faire le prestige de la moule “marinière”.

            Ce désastre gastronomique, nous disons-nous par SMS (il faut bien qu’ils servent à quelque chose) est dans les tons. S’accorde avec le cadre lugubre qu’offre le quartier. Les maisons sont hautes, la rue est étroite. Elle semble une tranchée ; un fossé profond où circulent à la queue leu leu des chalands riverains au verbe sonore. Les silhouettes, toutefois, sont un peu voilées par l’épaisseur des bouffées de gaz d’échappement qui parviennent de la chaussée. Elles nous sont prodiguées par la procession des autos, celles-ci s’avançant le long du ponton avec la lenteur murmurante d’un pardon bigouden. A cette catastrophe écologique complémentaire nous accordons, le croirez-vous, volontiers notre pardon –quoique l’addition que nous présente notre gentil mousse s’avérât salée, plus que ne l’étaient nos molles frites. Le fiasco de ce dîner d’anniversaire, dans sa radicalité, atteint un degré de perfection que l’on ne peut qu’admirer. Ignorant la plainte d’une corne de brume qui se fait entendre dans la nuit, nous hissons les voiles, Carla et moi, avec un grand rire. Et godillons bientôt vers le large, bravant la houle, loin très loin du ponton de “Belle Ile en Mer”.

L’année prochaine, c’est promis, rendez-vous à Noirmoutier.

 

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 08:29

    Intime

Un piano dans la nuit

 

            Nuit d’avril. La radio doucement répand sa musique. Une pièce pour piano. De plus en plus elle retient notre attention. Nous retenons notre souffle. De qui est-ce ? On dirait du Beethoven. Carla et moi tombons d’accord : du Beethoven jeune. Une sonate peu connue. Le lendemain Carla est sur le Web. Elle cherche et trouve. C’est alors la surprise. Cette sonate n° 2 pour piano est en effet l’œuvre d’un contemporain de Beethoven. Mais le compositeur, quoique d’origine anglaise, est de nationalité française. Il est de surcroît né et mort, le croirez-vous ? à Clermont-Ferrand. Son prénom : Georges. Son patronyme : Onslow. Georges Onslow. Nous ne sommes pas au bout de notre surprise. Ce musicien anglo-arverne, citoyen de la capitale auvergnate, habita longtemps Place Michel de l’Hospital. Une photo sur le web nous montre la demeure. La haute maison de pierre noire est celle où Arnold, votre serviteur, a vécu durant son adolescence. Dès lors, comprenez-vous la raison pour laquelle notre attention fut attirée par la sonate n°2 pour piano de Georges Onslow (dont le nom ne figure pas dans le dictionnaire Robert) en cette mystérieuse nuit d’avril ?

Place Michel de l'Hospital 001-copie-1  

   On fait l’histoire des nations, et celle des cités. On devrait faire l’histoire des maisons, des lieux où nous habitons. Remonter jusqu’à la nuit des temps. Un néanderthalien, Vercingétorix, Urbain II, Blaise Pascal, Teilhard de Chardin peuvent avoir ri ou pleuré à l’endroit où nous sommes. Où le crime, la Terreur ou la Gestapo y avoir sévi. Vraisemblablement plus d’atrocités que de gloires. Nous ne savons jamais où nous posons le pied.

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12 avril 2014 6 12 /04 /avril /2014 11:16

Intime

 

La visite du pape

 

          Affalé sur ma couche au ras su sol, deux cônes de sopalin glissés dans les narines, je ressemble je crois à un vieux morse égaré sur la banquise. La bouche sèche, le regard mouillé, je soigne ainsi ma bronchite, buvant des tisanes, y ajoutant de temps en temps pour l’honneur une giclée de whisky écossais. La gueuse m’a frappé soudain, en plein vol, alors que je dansais, sur mon tapis, façon Béjart, au gré des accents du Concerto “L’Empereur”. On se pique de l’aristocratie d’une vie frugale, sans l’encombrement d’appareils ménagers, sans ordinateur, sans télé, sans téléphone portable, mais à main droite se cache une petite radio, ouverte en permanence, d’où justement Beethoven me vint. J’ai droit, à présent, à l’audition d’un sermon. Une leçon de carême du cardinal Barbarin, primat des Gaules. A sa manière, faussement et savamment désinvolte, il nous parle du pape. Des recommandations que le souverain pontife adresse à ses évêques en cette période de Pâques. Des propos presque enfantins, mais suggestifs, qui rappellent celles que l’on pouvait lire dans le Petit Livre Rouge, de Mao Tsé Tung, le Grand Timonier. : 1– Le bon pasteur doit marcher devant son troupeau. 2– Il doit cependant marcher au milieu. 3– Il doit surtout marcher derrière (auprès de ceux qui boitent). Le pape François est sans doute un homme fort savant. Mais sa parole est d’évangile. On frappe à ma porte. Mon Dieu, serait-ce lui ?

 

tete-a-moustache-001.jpg

 

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11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 19:33

Intime

 

2014

 

          A vous mes vœux, lecteurs, lectrices, connus et inconnus, qui, en me lisant, m’aidez à être. Qui, moi ?  Où, en 2014 ? Confidence. Après une vie entière émoustillée par un semblant de coquetterie, la coquetterie d’appartenir à des courants de pensée réputés d’avant-garde je me suis résolu, propos d’anachorète, à cesser d’être absolument moderne. A me démarquer du mouvement général de l’histoire en demeurant sur place. Sans bouger. “Immobile, dirait Yves Berger, dans le courant du fleuve”. D’où cette sensation que je ressens de très grande vitesse. Sans le recours au moindre effort. Au moindre quantum d’énergie. Solution économique, reconnaîtra-t-on, permettant de se croire encore dans le vent, mais de nouvelle façon. Regardant passer, impassible, l’immense flux des objets fabriqués. Objets innocents, têtus, voraces, peuplant la grande dérive universelle. Auxquels s’accrochent d’une main émouvante, éperdue, les êtres humains. Comme à leur salut, leur tétine, leur nounou, leur maman. Hélas ! A si peu dépenser, malheur à moi ! Je vais (au secours !) devenir très vieux. Ou finir, ce serait mieux, dans la peau  d’une statue de bronze vert aux pieds mouillés, protégeant les colombes. Trouvant là une utilité maximale.   

Je prie l’une d’elles

amante, amant ?

de vous porter à tire d’aile,

avec mes doux baisers

mes vœux de Nouvel An.

                                                 Immobile dans le courant du fleuve,

                                                                                   Arnold

 

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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 08:27

Intime

 

Nocturne

 

Le monde entier qui repose en silence

en son point d’équilibre

vers trois heures du matin

–n’en faites pas mention–

est une piscine d’eau claire

en laquelle,

explorateur clandestin,

vous nagez en douceur.

Vous nagez

en douceur

Ne dérangez pas les songes

 

                                        Décembre 2013

*

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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 06:43

Intime

A l’échelle d’une vie

 

          Ce peut être un sentiment de tristesse inutile, à certains moments de notre vie, que de voir s’éloigner de notre soleil des planètes qui étaient devenues nos amies, et qui nous semblent perdues pour toujours. Les grandes amitiés ne meurent pas. Elles respirent et se renouvellent en prenant le large, quelquefois le grand large, avant de se retrouver. Ces amitiés sont à considérer à l’échelle d’une vie. Et d’une vie humaine de plus en plus longue. Vaste est le ciel de ce genre d’amitié. Et une trajectoire sidérale, selon la gravité qui lui est propre, peut durer des années, avant les retrouvailles. Peut-être même aurons-nous alors des nouvelles de Bételgeuse ?

            J’expose cette pensée après lecture d’un chapitre intitulé “Le cercle du temps”, qui figure dans l’ouvrage que fait paraître Alexis Jenni, “Elucidations”. “Vingt ans exactement que nous étions quittés, écrit-il, pour ne plus nous revoir (..) A quarante ans nous nous revoyons, assis en rond, au soleil couchant. (..) Rien n’a passé, ne passera jamais”. Cela pourtant dépend un peu de notre décision.

 

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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 14:35

Intime

En Juillet dans le Comtat Venaissin

 

            Le grincement du système de freinage déchire la torpeur de midi. Le wagon s’incline dangereusement sur le côté puis s’immobilise. Silence. Nous sommes arrivés. Quelques silhouettes furtives s’agitent sur le quai. Derrière nous, dans le sombre tunnel du passage souterrain se produit la clameur. A ce moment, sans doute, lui font-ils la peau. Nous ne nous sommes pas retournés. Au sommet du dernier escalier, les pouces accrochés à son ceinturon, Bill nous observe. Sa lèvre est empreinte d’un sobre sourire. Il laisse entendre que tout est dans l’ordre. Devant la petite gare, le tilbury attend. Le long du vieux hangar, là-bas, deux mexicains basanés se suivent à petits pas. Ils transportent sur leurs épaules ce qui semble le rouleau d’un long tapis rustique. Tout se déroule selon le plan. Dans le lointain, des montagnes se découpent sur l’horizon. Pour les atteindre, il nous faut traverser la plaine. Un désert torride. Nous y parvenons avant le soir. Disposant de la sorte du loisir de nous offrir un petit roupillon. L’hacienda de Yégo, au coucher du soleil, se cache au milieu des vignes. De très vieux arbres l’ombragent. Des objets d’art la décorent. La musique est celle des cigales. Un vin rosé colore les carafes. Nous parlons philosophie. Eléonore, en robe de soirée, anime le débat. Sa main agile s’orne d’un long fume-cigarette. “Conscience et Bonheur” : le sujet du jour est celui dont déjà traite notre carte postale n° 4 du précédent mois de juin. Cette fois encore, on l’aura remarqué, il y a un rapport au rêve. Je rêvais -cette fois sur le mode western, de notre voyage tout récent sur les terres du Comtat Venaissin, département du Vaucluse. Avant que n’y chevauchent, pour le bonheur des peuples, les cavaliers-forçats du Tour de France.

– “Comment va, Bill ?” –“ça roule.”

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22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 10:38

 

CARTE POSTALE N°4

 

La leçon des ténèbres

 

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            Au bord du monde”, disions-nous. Comme on peut dire “au bord de la mer” sans y avoir trempé le pied. Sans en avoir éprouvé par gros temps la violence. Méconnaissant le poids de peine, de servitude et de malheur dont s’alourdit la condition des gens de mer.

            Au bord du monde, en Margeride, nous avons rencontré la beauté. La pureté des paysages. Nous nous sommes crus, Carla et moi, en paradis. Notre regard, animé de légendes, était géo-esthétique. C’était le regard des anges. Du ravi de la crèche. En font état les “cartes postales” qui précèdent. Et sans doute sont-elles admirables les maisons, les étables et les granges qui composent les hameaux, les villages de ce haut pays. Ces constructions bâties d’énormes pierres de granit, ajustées semble-t-il sans ciment pour les joindre. Cependant quels bras les ont taillées ? Quels bras les ont charriées, portées, hissées jusqu’au sommet des toits ? Disposant de quels moyens ? Au prix de quel salaire ?

           Du côté du Nord, comme du côté de l’Ouest, votre village est remarquablement abrité du vent”, félicitons-nous monsieur le Maire. –“Malheureusement, nous ramène à la réalité celui-ci, les mains posées sur le rebord de la fenêtre, c’est de là, du côté du Sud, que nous margeride6 001arrive en tourbillon le vent mauvais.”. L’homme nous parle alors de l’hiver. Des chevaux du pays, le poitrail enfoui dans la neige. Des 80 km de routes communales qu’il lui faut entretenir ou déneiger. Evoque les châteaux assiégés et rasés durant la Guerre de Cent-Ans. Les guerres de religion qui ont sévi au 16ème siècle puis sous Louis XIV, quand la Margeride devient le dernier bastion catholique face aux Cévennes protestantes. Ce qui explique l’absence de temples en cette région, et la bonne conservation des églises.  Au 18ème siècle, après la Peste Noire, une bête énorme, non identifiée, terrorise le pays. Dévorant, une à une, plus de cent personnes dont des petits enfants. On envoya la troupe, vainement. Dans un village proche, un monument aux morts est érigé que surmonte un soldat bleu horizon brandissant un fusil. Trente noms. Trente noms pour un si petit village sont gravés en mémoire des enfants du pays disparus dans les affres de la guerre de 14. Cela fera 100 ans. (Et comme chaque fois, me croirez-vous, je refoule un sanglot). En mai 1944, dans les bois du Mont Mouchet, 260 résistants trouvent la mort, pourchassés par les troupes de l’occupant nazi. (Un camarade, mon aîné, y fût tué. Il avait 17 ans.) Les villages et les hameaux aujourd’hui sont propres. Les maisons belles. Les chaussées soigneusement entretenues. On n’entend pas les enfants des écoles. On ne rencontre personne. "Ô saisons, ô châteaux" !

             Ces pierres, ces vides, ces ombres, ces noms, nous les avons effleurés comme ne les voyant pas. Notre regard portait ailleurs, aspiré par le ciel, l’horizon, la beauté.  C’est seulement le lendemain de notre retour que le fait survint. Qu’un rêve me réveilla en sursaut au cœur de la nuit. Dans notre éblouissement, qu’avions-nous vu de la Margeride ? L’autorité d’un surmoi, dans mon rêve, me faisait la leçon. Comment pouvions-nous nous montrer si légers ? Ne pas percevoir, sous la peau du monde (où que nous nous trouvions) le tragique du réel ? Comment être heureux et inconsolable ? La question du voyage. La leçon des ténèbres. 

FIN

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  • : Un regard ironique sur soi-même les choses et les gens plus recension de livres.
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