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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 09:45

Religion

L’acte de croyance

 

            Tous les actes de notre vie se fondent en partie sur le croire. On croit comme on respire. Sans trop s’interroger. Sauf en certaines circonstances. Car il arrive que le souffle vous manque. Que l’esprit se réveille et s’insurge. Vais-je croire cela ? Cela que l’on me dit ? L’enjeu est trop grand. Il y va de notre honneur, de notre vie. Dans les cultures de libre examen, le croire en Dieu est pour certains un acte personnel de cet ordre. Il le fut pour moi. Pourquoi en reparlè-je aujourd’hui ?

            Un texte particulièrement riche de Romain Gary, dans son autobiographie intitulée “La Promesse de l’aube”, m’est d’abord tombé sous les yeux. Me rappelant l’article d’Alexis Jenni sur la croyance, dont j’ai parlé ici très récemment. Et puis il y eut un éclair dans la nuit. Une phrase fulgurante du Père Teilhard de Chardin qui me décida à reprendre le sujet. “Il nous faut beaucoup prier, énonçait cette phrase, pour ne pas succomber à la tentation…” A quelle tentation ? Ecoutez bien, l’évènement est ici : “…à la tentation de maudire l’univers et Celui qui l’a crée.”. L’acte de foi authentique, me suis-je dit, serait ainsi celui qui jaillit du croyant malgré l’indignation que suscite le spectacle du monde. La Création dans sa négativité étant reconnue comme un mal. Un acte défectueux dont Dieu, en la personne du Christ, tenterait de se faire pardonner. L’acte de foi, dès lors, serait de l’ordre du pardon. Du pardon accordé à Dieu. Et une confiance renouvelée en l’œuvre de Sa création. (Une théologie sans doute hétérodoxe. La seule pourtant qui soit en cohérence avec la geste évangélique, que l’on aimerait entendre prêcher). L’acte d’incroyance étant, à l’inverse, le refus de reconnaître dans l’immoralité de la création l’acte d’un Dieu. D’un Dieu du moins digne de ce nom. (Il y a chez l’athée, on  le voit, une conception idéalisée de la divinité). Celle-ci n’étant nullement digne de foi, il ne peut y avoir d’autre Dieu que le Monde. “Dieu, c’est-à-dire la Nature,” écrivait Spinoza.

            L’originalité du texte de Romain Gary, en ce qui le concerne, est d’être le témoignage d’un incroyant, mais d’un incroyant incapable (vous lisez bien) de désespérer. “L’idée que je me faisais de la grandeur divine, écrit-il, m’apparaissait inconciliable avec ce que voyais sur la terre.” Cependant le mot athée lui était insupportable “comme tout ce qui était satisfait de soi.” “Je vois la vie, confesse-t-il, comme une grande course de relais où chacun de nous, avant de tomber, doit porter plus loin le défi d’être un homme.” “Je suis à ce point confiant dans l’issue de la lutte que le sang de l’espèce se met parfois à chanter en moi, et que le grondement de mon frère l’Océan me semble venir de mes veines ; je ressens alors une gaieté, une ivresse d’espoir, et une certitude de victoire telle, que sur une terre pourtant couverte de boucliers et d’armes fracassées, je me sens encore à l’aube d’une premier combat.” Ce texte remarquable, assurément, rencontrerait l’assentiment de l’écrivain Alexis Jenni, dont j’analysais la prose l’autre jour. “Mais d’où me vient, poursuit Romain Gary, cette inaptitude atavique à désespérer ? “Cette imbécillité congénitale ? Comparable à celle qui avait poussé les reptiles sans poumons à ramper hors de l’Océan originel ? ” Il y a, sûrement, cette poussée instinctuelle de l’espèce et de la vie. “Mais cela vient sans doute aussi, ajoute l’auteur des Racines du Ciel, d’une sorte de bêtise. D’une naïveté élémentaire, primaire, irrésistible, que je dois tenir de ma mère.”

            L’acte de croire ou de ne pas croire, d’applaudir ou non au grand train de la Création, nous vient au commencement du message entendu dans la voix et le geste de l’autre. De l’autre –souvent parental, que l’on aime et que l’on admire. La foi se transmet de bouche à oreille dans un climat de confiance fraternelle ou filiale. Quand l’esprit s’autonomise et se lève, alors seulement s’affirme (ou s’éteint) l’acte personnel de croire. D’accorder crédit ou non, en conscience, aux pulsions de l’espèce, aux histoires qu’on raconte

O

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