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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 20:24

Religion

 

Noé

 

Deluge

 

 

            Avec le film d’Aronofsky, qui sort sur les écrans, le personnage de Noé pendant quelques temps va visiter notre monde (ou passera peut-être inaperçu). Cette fable du Déluge, empruntée à Babylone, l’écrivain hébreu l’adopte et l’insère dans le chapitre 6 de la Genèse.  Le Dieu du peuple juif ne se contente pas de créer le ciel et la terre. Son chef d’œuvre, il l’accomplit en insufflant la vie dans les poumons de l’être humain. Seulement voilà : l’homme prolifère, se conduit mal, et Dieu se repent de l’avoir fait. Le Très Haut efface tout. Tout se qui vit sur la surface de la terre. Priant seulement Noé de mettre de côté quelques échantillons choisis parmi les êtres vivants. Les humains peut-être auraient dû se méfier. Des mesures de rétorsion avaient déjà été prises à leur encontre. Notamment un décret d’expulsion manu militari hors des frontières du paradis terrestre. Celle-ci accompagnée, “Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”, d’une condamnation aux travaux forcés. Cette fois tout de même, en exerçant un génocide, le premier connu de l’histoire de l’humanité, le bon Dieu se révèle avoir la main lourde. Cette pratique sociale ne peut être une solution. Un bon exemple donné à l’humanité.  

A – COMPRENDRE

            Aussi sommes-nous en droit de nous demander quelle mouche a piqué l’Eternel pour qu’Il en vienne à cette extrémité. En droit de rechercher, pour comprendre, la nature de ce qui a suscité chez Lui cet acte de dépit meurtrier. L’acte d’un enfant colérique à qui l’on vient de briser son jouet. La raison de la colère divine, si l’on en croit le texte biblique, est simple. L’être que Dieu avait créé était méchant. “L’Eternel, lit-on au chapitre 6, verset 6, vit que la méchanceté des hommes était grande”. “Toutes leurs pensées se portaient sur ce qui est mal”. L’indication est certes un peu générale. Elle se précise heureusement au verset 13. En cet endroit du texte les humains sont accusés d’avoir “rempli la terre de violence”. On sait, en effet, depuis Caïn, que des meurtres ont été perpétrés sur la terre. C’est en d’autres versets que la chose devient plus intéressante. Notamment quand le texte évoque des affaires de femmes. “Les filles des hommes, peut-on lire, étaient belles”. L’énoncé, où paraissent des géants, des êtres fabuleux d’une autre tradition, reste vague et pudique. Incline toutefois à imaginer que l’homme, ce vilain bougre, était un chaud lapin. (L’Eternel se serait-il montré jaloux d’un amour dont il n’était pas l’unique objet ?) Quoiqu’il soit, c’est alors que le dieu prend sa décision. Décide de passer à l'acte : “Je vais exterminer de la surface de la terre l’homme que j’ai créé. Je me repens de l’avoir fait” (Chapitre 6, verset 6).

B – DIEU SE REPENT D’AVOIR FAIT L’HOMME

            Mesurons-nous la portée de ce qui s’énonce en ces quelques mots ? Imaginons-nous l’enfant à qui son parent déclare, sa parole fût-elle vraie : “je regrette de t’avoir mis au monde.” ? Or nous lisons bien : le dieu biblique se repent formellement d’avoir fait l’homme. De l’avoir fait comme il l’a fait. A savoir méchant. (Et peut-être à son image, puisque Dieu, commettant le Déluge, se révèle lui-même méchant, à savoir meurtrier). Ce repentir de Dieu, cependant, n’est encore qu’un regret. Un regret amer ponctué d’une rage. Ce que j’ai fait est mauvais. Ne vaut rien. Je le déchire, le punis et le noie. Le dieu s’exécute. Cela lui prend quarante jours. Quarante jours pendant lesquels les dispositions de son cœur se modifient. Lorsque le Déluge achève sa décrue, quand Noé sauvé des eaux se retrouve à pied sec, l’Eternel tient un tout autre langage. Non plus seulement le langage du regret, mais celui moral du repentir. Apparaît, en effet, le remords d’avoir puni. D’avoir puni l’homme. Cela vraiment n’était pas bien, jamais plus ça ! “Jamais plus, commence en effet le verset 21 au chapitre 8, jamais plus je ne maudirais la terre à cause de l’homme.” En termes de conduite, cela s’appelle une bonne résolution. Le texte cependant va plus loin et nous livre une indication surprenante. Dieu donc, la chose est entendue, ne maudira plus la terre du fait de l’homme. Mais sur quel argument renonce-t-il à ce geste ? C’est à cette question que répond la suite du verset : “Je ne maudirai plus la terre du fait de l’homme, nous est-il dit, en tant que les desseins de son cœur sont mauvais…” Ce n’est pas en effet parce que l’homme est méchant que l’on se trouve fondé à l’exterminer. L’enfant colérique qui cassait son jouet manifestement a mûri. A grandi sur le plan de la moralité. On ne peut qu’applaudir. Ce fameux verset 21, cependant, n’a pas encore dit son dernier mot. N’a pas encore livré la vérité restée inaperçue pendant des siècles en Occident. Laquelle, si l’on récapitule la phrase que nous examinons, s’exprime ainsi : “Je ne maudirais plus la terre du fait que les desseins de l’homme sont mauvais depuis son enfance”. Ne cillez pas. Vous avez bien lu. Le cœur de l’homme est mauvais : depuis son enfance”. Mauvais déjà avant qu’il n’ait atteint l’âge d’homme. Celui de la responsabilité. Si donc en cette affaire il est un responsable, ce ne peut être ce bougre d’homme. Et, de fait, un déplacement du lieu de la responsabilité s’est opéré dans la conscience du dieu. La responsabilité s’est transférée du lieu de la créature à celui de son créateur. Si le cœur de l’homme est mauvais par nature, c’est bien que son créateur, qu’Il le veuille ou non, l’a fait tel. L’homme, par conséquent, n’était pas à punir. Et Dieu effectivement se repent. Se repent à présent d’un vrai repentir. D’un repentir moral, assorti d’une ferme résolution : “Plus jamais dit l'Eternel dans son coeur, je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait” (toujours au chapitre 8 verset 21). Avez-vous noté "en son coeur" ? L'intériorité de la détermination ? Ce à quoi nous assistons, si nous avons le cran de le regarder, est proprement fabuleux. Nous assistons à la Contrition d’un dieu.

C – DIEU NOUS DEMANDE PARDON

            Le récit du Déluge n’est pas là pour nous dire que l’homme est méchant. Et qu’il mérite d’être châtié. Mais que Dieu, faisant l’homme, a raté son chef d’œuvre. Qu’Il en a le cœur gros. Et qu’auprès des hommes, quand le jour sera venu, il devra se faire pardonner. Ce qu’en effet fera Jésus, le Fils de Dieu, en se faisant l’un d’entre nous, et en s’offrant en sacrifice. En sacrifice à qui ? Enfin, pour la première fois de votre vie, serez-vous en mesure de répondre.

            Telle est –laissant de côté l’examen du personnage de Noé, la lecture que je fais pour ma part du récit fabuleux du Déluge. Sans oublier qu’une fable, fût-elle cohérente, n’est jamais qu’une fable.

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15 février 2014 6 15 /02 /février /2014 09:37

Religion

 

Vous dormez Domitille ?

 

          J’ai rencontré Domitille. Elle est la jeune femme dont je fais plus haut l’éloge. Et aussi un peu la critique au sujet d’une carte de vœux de Noël, dans les tons pastel, que je reçus d’elle. Cette femme aux cheveux de vent est une personne avec qui on peut échanger sur tout. Sur presque tout. A cœur ouvert, l’un écoutant l’autre, nous avons parlé religion. Ai-je clairement laissé voir, évoquant l’Eglise catholique, le point de vue précis d’où je l’observe ? Je crains que non. J’adresse à Domitille, pour réparer ce flou, la note que l’on va lire. Elle intéressera, je le sais, quelques uns d’entre vous, mes très chers lecteurs.

            Mes réserves concernant l’Eglise catholique ne portent pas sur le fait de la foi. Le fait que ses fidèles croient, fut-ce à l’encontre de toute raison, à la divinité de l’homme Jésus. La plupart des humains, pour survivre, doivent se soutenir d’une croyance. Celle-ci fût-elle athée comme se trouve être la mienne. L’évaluation qu’il m’est donné de faire de l’Eglise et de ses fidèles n’a pas d’autre critère que la conformité à l’évangile. L’évangile d’une main, donc, l’Eglise de l’autre. L’Eglise du moins à travers les signes qu’elle diffuse. Ce qui  dès lors saute aux yeux est le constat d’un détournement. Constat que bien d’autres assurément ont fait avant moi. De grands saints d’abord, et ensuite la Réforme. Le détournement est celui que font l’Eglise et ses fidèles d’une part fondamentale du message de Jésus. (En gros Jésus pardonne. N’exclut pas –sauf les riches. Accorde la priorité absolue aux pauvres. L’Eglise, de son côté, culpabilise. Excommunie. Condamne l’homosexualité, la masturbation, l’infidélité conjugale, l’adultère, le divorce, la contraception, l’avortement, le nouveau mariage, l’euthanasie consentie… Qui la délivrera de cette confusion temporelle de la morale et de la foi ? Comme si le “royaume de Dieu” était de ce monde). Sur le plan politique, en revanche, elle autorise la propriété privée et consent aujourd’hui à l’usure. L’Eglise donc promeut une politique. Une politique issue à l’origine de la société où elle est née. Celle-ci fondée sur le modèle de la société patriarcale. Elle en garde le rêve. Mais elle dut, à travers l’Histoire et tant bien que mal, épouser son temps. Observez-la aujourd’hui. Elle évolue avec dextérité sur les réseaux électroniques que lui imposa le mercantilisme américain devenu mondial. Elle joue le jeu de la société néo-libérale.

Le drame est qu’elle ne peut pas faire autrement. La vie évangélique comme telle (“Les oiseaux du ciel…” etc) n’est pas viable longtemps. Il y a une utopie dans l’évangile de Jésus. Et les tendres chrétiens ont bien été obligés de ne pas lire et de ne pas entendre le message évangélique dans son entier et dans sa radicalité. Cet aveuglement inévitable a fait des chrétiens, je le regrette mais je dois le dire : des innocents. Des personnes qui ne sont pas, quoi qu’elles le croient et quoi qu’elles fassent, du côté des pauvres. Des personnes qui ne mesurent pas, en toute candeur, la portée non évangélique de leurs choix, de leurs ambitions, de leurs actes petits et grands. Ils ne voient pas. Ils ne voient pas les pensées qu’ils inspirent. La violence qu’à leur insu ils propagent. Qu’ils inspirent à qui ? Aux pauvres, précisément. A ceux qui ne possèdent rien, et tant auraient besoin d’espérer pour survivre. Que les chrétiens dans leur innocence soient obstacle au message de Jésus, ils ne le voient pas. Très sincèrement (est-ce montrer trop de compréhension que de l’affirmer ?) ils ne le voient pas. Ne se voient pas. Se contemplent avec complaisance dans le miroir de la bonne société, mais ne se réfléchissent pas dans le miroir de l’évangile. Aussi ne devrait-on pas nourrir à leur endroit trop de sévérité. En tous cas beaucoup moins, et avec beaucoup moins de violence que n’en manifestait Jésus à l’égard des pharisiens. (Lesquels, je présume, se trouvaient dans une situation un peu analogue.) A mes yeux, si je résume, l’Eglise chrétienne est à l’évangile ce que l’industrie est à la science. Ou ce que l’économie libérale est à la Déclaration des Droits de l’Homme. A savoir l’exploitation temporelle (en grande partie non consciente) d’une haute pensée. Pour l’Eglise, à des fins de consolation personnelle, et au profit d’intérêts familiaux, matériels et sociétaux. L’Eglise en somme est  un milieu social clos mais prospère, où l’on porte au cou l’évangile comme une amulette. Ainsi m’apparaît-elle, autant qu’il m’est donné de l’apercevoir, sachant qu’à l’approcher de plus près pourrait se découvrir Emmaüs, les Sans-Abris, et les Restaurants du Cœur. Vous dormez, Domitille ?

- Ne vous réveillez pas.

 

P.S. : Aurait-on lu au-dessus de mon épaule ? Un mouvement d’évangélisation de type nouveau se fait jour dans l’Eglise. Ce mouvement préconise l’exercice d’une pastorale dite “d’engendrement”. Entendez : de “réengendrement à la vie spirituelle”, voire à la vie tout court. Ceci dans le cadre de groupes de paroles et de lecture collective de l’évangile. Permettant à chaque participant de suivre et de méditer le pas à pas de la prédication de Jésus lui-même. De sorte que, s’identifiant aux personnages que Jésus rencontre et guérit (“Va, ta foi t’a sauvée”) chacun puisse entendre personnellement la bonne nouvelle. La révélation du fait qu’il est singulièrement désiré et aimé.  Que la vie, de ce fait, vaut la peine d’être vécue. (Jésus, fils du Créateur, assurerait  de la sorte le service après-vente de la vie. Il faut dire qu’il en a bien besoin).

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24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 11:03

Religion

 

Dîtes-moi Domitille.…

 

          Je ne vous décrirai pas Domitille. Ce n’est pas elle, naturellement, qui a choisi son nom. Sachez seulement qu’elle est à mes yeux une femme très classe : intelligente, déliée, ouverte. Et de surcroît charmante. On se flatte de l’avoir pour amie. Et cependant, elle ne peut s’en empêcher. A l’occasion de Noël et des fêtes de fin d’année, elle m’envoie une carte figurant une crèche. Celle que je reçois aujourd’hui est une image d'une blondeur pastel à faire pâlir un peintre sulpicien. La scène est édulcorée. Les stigmates de la pauvreté, le sentiment d'insécurité, l'humiliation d'avoir été laissés dehors, la crainte du froid, la peur des souris et des rats ne figurent pas au tableau. Les éléments du drame qui donneraient à la scène sa pleine signification ont été gommés. Tout est propre, rien ne heurte, le monde est en harmonie : le bois poli du berceau, la barrière de l’étable, le gris perle du poil de l’ânon, l’aile des anges, l’auréole des principaux personnages, les mains jointes, et bien sûr les cheveux déjà bouclés du petit Jésus. Joseph lui-même, qui n’est pas le père, semble en extase devant le petit nourrisson potelé. L'évangile en rose. L’image même du regard chrétien. l'évènement, faut-il dire, a de l'importance ! Au prix d'un bricolage des lois de la nature (la nature qu'il a lui-même créée) Dieu ne nous livre-t-il pas son Fils, sans force et sans défense, et pour notre salut ? C'est tout de même excessivement gentil. Et une bonne raison pour oublier tout le reste !

            Mais dîtes-moi, Domitille, Dieu, à votre avis prévoyait-il les conséquences de son acte ? Savait-il que cette naissance allait provoquer, pour commencer, la massacre au couteau de nombreux enfants, ceux que l'on appelle les Saint Innocents ? Que son acte, ainsi, comporterait quelques dégâts collatéraux ? L'ennui chez les croyants, c'est qu'ils omettent de faire des liens. Qu'ils s'abstiennent, pour que tout aille selon leur désir, de se poser ce genre de question. De ne jamais interroger, en somme, en son entier l'Evangile.   

Nicolas Poussin massacre"Le massacre des Saints Innocents" 

Tableau de Nicolas Poussin

 

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17 janvier 2014 5 17 /01 /janvier /2014 08:36

Religion

 

Un trait de caractère de Jésus

 

            Etait-ce une facétie ? La dame à la radio venait de nous parler d’économie. Du rôle des taxes et des impôts dans le budget de l’état. Sans transition –je n’en crû pas mes oreilles– lecture nous fût donnée d’un texte évangélique. Il s’agissait de l’histoire d’un certain Zachée, précisément fonctionnaire des impôts. J’allais découvrir, sans en avoir fomenté la recherche, un trait de caractère de Jésus. Si vous voulez me suivre je vais vous conter, en quatre pas, ma découverte.

L’échange des regards

            Parce qu’il était petit, Zachée était grimpé dans un arbre. Un sycomore, précise Luc, au chapitre 19. Il voulait voir Jésus. Etant donné sa notabilité (il était le chef des collecteurs des impôts) il aurait pu se dispenser de ce geste enfantin. Mais non. Il voulait voir Jésus. Quand celui-ci passa, il aperçut l’homme dans les branches. Il y eut entre eux un échange de regards. Un échange d’une intensité peu commune. “Descend de là, lui dit Jésus, je veux ce soir loger chez toi”. Le geste est mal perçu par la population. Autour d’eux “l’on murmure” (19,7). A Jéricho, Zachée n’est pas aimé : il perçoit les impôts. Les prélève pour le compte de l’occupant romain. Un collabo, dirions-nous. Enfin l’homme est riche. Un type infréquentable. Jésus n’est pas insensible aux réactions de la foule. Il n’en a cure cependant. Il s’intéresse aux personnes. Zachée s’avère un homme ouvert et généreux. Véritablement un juste. N’empêche. On ne s’invite pas comme ça à loger chez les gens. Il a fallut que le regard du petit homme fasse vibrer en l’âme de Jésus une zone affective majeure, particulièrement sensible. Les deux hommes, me dis-je, se sont spontanément compris. Il y eut entre eux un acte de reconnaissance. Ce mot en moi insiste. La reconnaissance, me dis-je, est un acte qui importe singulièrement à l’homme Jésus. Une intuition m’incite à recourir au texte. J’ouvre l’évangile de Saint Luc. Je tombe sur la parabole des talents. Elle suit immédiatement l’épisode de Zachée. Je vois paraître en négatif l’image inversée, en miroir, de l’âme de Jésus.

 ZACHE_-1.JPG

 

La parabole des talents

            Le propriétaire d’un immense domaine revient dans ses terres après un très long voyage. C’est l’heure des comptes. L’homme, avant son départ, avait confié la gestion de son capital à plusieurs de ses régisseurs. Chacun s’est retrouvé en possession d’une somme égale à faire fructifier. L’un (un super doué) en l’absence du maître a multiplié par dix la part de son capital. Un autre par cinq. Un autre par deux, etc. A chacun, en gratification du travail accompli, est attribué un poste de responsabilité proportionnel à sa réussite. Jusqu’ici tout est dans l’ordre. Les choses prennent un tour étrange quand survient le dernier employé. “Tu m’as confié telle somme, explique-t-il à son maître. Je te la rend intouchée.” “A chacun selon son travail et ses capacités” pourrait-on dire, et en rester là. Or il n’en est rien. Le maître prend la mouche. “Saisis cet argent, ordonne-t-il à son trésorier, et donne-le au premier, a celui qui a su décupler son avoir. En effet, légifère-t-il, “On donnera à celui qui a, et à celui qui n’a pas on ôtera ce qu’il a.”. Ce principe de répartition, qui consiste à enrichir les riches et à ruiner les pauvres, est mentionné en toutes lettres en Luc (18,26). On connaît suffisamment la pensée de Jésus concernant les riches et les pauvres pour ne pas prendre cette injonction paradoxale à la lettre. Jésus n’est pas en train d’ériger en norme la pratique ordinaire des traders et le travers principal de l’économie libérale. Ces paroles de la parabole, faut-il comprendre, ne sont pas de l’ordre du message, de l’enseignement. Ne sont pas, à proprement parler, “paroles d’évangile”. Elles sont à rattacher, pour être comprises, à la personne de celui qui les profère. Ici à la personne de Jésus, de Jésus en colère.

La colère de Jésus.

            C’est en effet la colère qui inspire l’énoncé paradoxal et outrancier de cette parabole. Une fable à dormir debout sur laquelle les interprètes, au long des siècles, se sont cassés les dents. Une colère qui prend garde de ne pas éclater en empruntant sagement le chemin du langage. Une colère enfin qui elle-même dissimule la souffrance d’une blessure narcissique importante : celle de n’être pas reconnu, reconnu dans son message et dans son être. Car de qui parle-t-il Jésus, en définitive ? Il parle de lui-même. De lui-même dans son rapport aux autres. Le maître du domaine, c’est lui. Le rêve d’être reconnu par de bons serviteurs, c’est le sien. Le dépit de se voir incompris, méjugé, est le sien. Tout comme enfin la violence elle-même, qui en découle, est la sienne. Et en effet le maître, dans la fable, ne se montre pas tendre pour le bougre qui s’est contenté d’enterrer son magot, sans le faire fructifier. Il ne se contente pas de lui reprocher d’être un bon à rien, et un gros paresseux. Il le traite au contraire méchamment de méchant. Pourquoi méchamment ? Parce que le maître est blessé. Profondément offensé par l’explication que lui fournit son malheureux employé : “Tu es sévère, injuste, imprévisible. Et j’avais peur de toi.” Entendre pareilles choses, lui qui se veut un patron exemplaire, accordant sa confiance à son personnel, et se trouvant lui-même en quête de réciprocité, de reconnaissance ! C’est à Jéricho, rappelons-le, la ville qu’il va quitter pour se rendre à Jérusalem où il va mourir, que Jésus profère cette parabole. Après plusieurs années de prêches et de chemins parcourus, la vérité du message évangélique est encore mal reçue. A n’en pas douter, la rencontre de Zachée lui a été douce. Mais tellement partielle. La population dans son ensemble le désavoue de fréquenter des pauvres et des pécheurs. Ses disciples l’aiment bien. Sont sensibles à la qualité de son ascendant. Mais à ce qu’il leur raconte (18,14) “ils ne comprennent rien”. Dans un moment de découragement, à Jéricho, Jésus connaît la fatigue. En termes sibyllins, sans vouloir prêcher, Jésus parle à ses disciples comme d’un rêve qu’il a fait. Sa parabole, oui, peut s’entendre comme l’énoncé d’un rêve. Voire d’un cauchemar dans lequel se décèle une fragilité narcissique. Cette interprétation, cette mise en relief d’un trait de caractère se voient corroborées par un motif narratif jusqu’ici resté dans l’ombre, mais dont le texte de la parabole est tissé. Ce motif, qui se superpose, nous l’appellerons Le motif du roi contesté.

Le dépit d’un roi contesté

            Le maître du domaine, lit-on dans Saint Luc, figurez-vous était un roi. Et, pour achever de nous convaincre, un roi en quête de reconnaissance. Comme l’était Jésus. S’il s’était absenté de ses terres, c’était dans le dessein de recevoir l’investiture royale. Une royauté que lui contestait, nous indique le texte, certains de ses concitoyens. “Nous ne voulons pas, déclaraient-ils, que cet homme règne sur nous ” (19,14). Réapparaît ici, dans toute son évidence, la problématique de la reconnaissance. Suivie de la tentation fantasmatique de la résoudre par la violence, si elle vous est refusée : “Amenez ici mes adversaires, ordonne le roi (19,27), et tuez-les sous mon regard”. Mon Dieu, quelle violence ! Mais comment ne pas imaginer que Jésus, en certains moments, devait en avoir le cœur gros devant la résistance de ceux qu’il pensait avoir la mission de sauver ? “Tous ces humains obtus et lourds, dut parfois songer Jésus, ne mériteraient-ils pas qu’on leur torde le cou ? Qu’on les envoie au diable ? ” En cette parabole, ceci dit, Jésus n’est pas en train de légitimer l’assassinat politique. Il ne s’agit, là encore, que d’une expression verbale à visée cathartique. Un fragment de “cure par la parole”, si l’on veut. Et la symbolisation d’une colère de Jésus née d’une blessure narcissique. Jésus, en effet, tel le roi de la fable, ne désire rien tant que d’être reconnu. Reconnu dans son message et dans la vérité de son être.

            La parabole des talents est une confidence. Elle nous apprend que Jésus, “vrai homme”, avait de temps en temps des conflits psychiques a résoudre, comme vous et moi, mes frères.

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1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 13:49

Religion

 

CROIRE ou NON

 

Celui qui croit au Ciel

Celui qui n’y croit pas

 

Au fond de l’acte de croire

Ou de ne pas croire :

Un jugement sur le monde

 

Le premier dit : le monde est une merveille

On y rencontre pourtant le malheur

 

Le second dit : le monde est une catastrophe

On y rencontre quand même la joie.

 

 

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 10:07

Religion

Les saints innocents

 

J’ai rencontré, ce jour, les saints innocents

Ce ne sont des enfants crieurs

que l’on martyrise en les tenant par un pied.

Ces saints innocents, je vous le dis,

c’est un bonheur de les voir sous le ciel

Ÿ

Ils sont beaux, ils sont gentils, honnêtes, gais

intelligents et en bonne santé.

Ils sont riches, occupent de bonnes situations

réussissent dans les affaires

et habitent les beaux quartiers.

Ils ont fréquentés les bonnes écoles,

connaissent les bonnes manières

pratiquent la charité, et font des retraites dans les monastères.

Ils aiment la vie, engendrent des petits

et possèdent la vérité.

Dieu est à leur côté

Ÿ

N’y touchez pas.

Ce sont des innocents

Ils ne savent pas ce qu’ils font.

Ils ne savent pas que le Jésus qu’ils adorent

n’est nullement celui qui parle et agit dans les évangiles.

Ne le leur dites pas. Il est trop tard.

Ils iront droit au paradis.

 

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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 09:45

Religion

L’acte de croyance

 

            Tous les actes de notre vie se fondent en partie sur le croire. On croit comme on respire. Sans trop s’interroger. Sauf en certaines circonstances. Car il arrive que le souffle vous manque. Que l’esprit se réveille et s’insurge. Vais-je croire cela ? Cela que l’on me dit ? L’enjeu est trop grand. Il y va de notre honneur, de notre vie. Dans les cultures de libre examen, le croire en Dieu est pour certains un acte personnel de cet ordre. Il le fut pour moi. Pourquoi en reparlè-je aujourd’hui ?

            Un texte particulièrement riche de Romain Gary, dans son autobiographie intitulée “La Promesse de l’aube”, m’est d’abord tombé sous les yeux. Me rappelant l’article d’Alexis Jenni sur la croyance, dont j’ai parlé ici très récemment. Et puis il y eut un éclair dans la nuit. Une phrase fulgurante du Père Teilhard de Chardin qui me décida à reprendre le sujet. “Il nous faut beaucoup prier, énonçait cette phrase, pour ne pas succomber à la tentation…” A quelle tentation ? Ecoutez bien, l’évènement est ici : “…à la tentation de maudire l’univers et Celui qui l’a crée.”. L’acte de foi authentique, me suis-je dit, serait ainsi celui qui jaillit du croyant malgré l’indignation que suscite le spectacle du monde. La Création dans sa négativité étant reconnue comme un mal. Un acte défectueux dont Dieu, en la personne du Christ, tenterait de se faire pardonner. L’acte de foi, dès lors, serait de l’ordre du pardon. Du pardon accordé à Dieu. Et une confiance renouvelée en l’œuvre de Sa création. (Une théologie sans doute hétérodoxe. La seule pourtant qui soit en cohérence avec la geste évangélique, que l’on aimerait entendre prêcher). L’acte d’incroyance étant, à l’inverse, le refus de reconnaître dans l’immoralité de la création l’acte d’un Dieu. D’un Dieu du moins digne de ce nom. (Il y a chez l’athée, on  le voit, une conception idéalisée de la divinité). Celle-ci n’étant nullement digne de foi, il ne peut y avoir d’autre Dieu que le Monde. “Dieu, c’est-à-dire la Nature,” écrivait Spinoza.

            L’originalité du texte de Romain Gary, en ce qui le concerne, est d’être le témoignage d’un incroyant, mais d’un incroyant incapable (vous lisez bien) de désespérer. “L’idée que je me faisais de la grandeur divine, écrit-il, m’apparaissait inconciliable avec ce que voyais sur la terre.” Cependant le mot athée lui était insupportable “comme tout ce qui était satisfait de soi.” “Je vois la vie, confesse-t-il, comme une grande course de relais où chacun de nous, avant de tomber, doit porter plus loin le défi d’être un homme.” “Je suis à ce point confiant dans l’issue de la lutte que le sang de l’espèce se met parfois à chanter en moi, et que le grondement de mon frère l’Océan me semble venir de mes veines ; je ressens alors une gaieté, une ivresse d’espoir, et une certitude de victoire telle, que sur une terre pourtant couverte de boucliers et d’armes fracassées, je me sens encore à l’aube d’une premier combat.” Ce texte remarquable, assurément, rencontrerait l’assentiment de l’écrivain Alexis Jenni, dont j’analysais la prose l’autre jour. “Mais d’où me vient, poursuit Romain Gary, cette inaptitude atavique à désespérer ? “Cette imbécillité congénitale ? Comparable à celle qui avait poussé les reptiles sans poumons à ramper hors de l’Océan originel ? ” Il y a, sûrement, cette poussée instinctuelle de l’espèce et de la vie. “Mais cela vient sans doute aussi, ajoute l’auteur des Racines du Ciel, d’une sorte de bêtise. D’une naïveté élémentaire, primaire, irrésistible, que je dois tenir de ma mère.”

            L’acte de croire ou de ne pas croire, d’applaudir ou non au grand train de la Création, nous vient au commencement du message entendu dans la voix et le geste de l’autre. De l’autre –souvent parental, que l’on aime et que l’on admire. La foi se transmet de bouche à oreille dans un climat de confiance fraternelle ou filiale. Quand l’esprit s’autonomise et se lève, alors seulement s’affirme (ou s’éteint) l’acte personnel de croire. D’accorder crédit ou non, en conscience, aux pulsions de l’espèce, aux histoires qu’on raconte

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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 10:56

Religion

Qu’est-ce que croire ?

 

            C’était le sujet du jour. L’écrivain Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011) a remis sa copie. La revue “Etudes” en publie le texte dans la livraison de Janvier que j’ai sous les yeux. Huit pages pleines. On ne s’ennuie pas. La prose est alerte, mutine, et fait preuve d’une grande liberté dans l’art français de la dissertation. Mais aussi dans l’habileté que l’on pourrait croire typiquement chrétienne à se détourner de la part maligne du réel. La longue première partie de l’exposé, en effet, consiste à mettre en terre la moitié brûlante de la question, celle liée au sens transitif du mot croire. (Sens qui apparaît dans l’expression courante “croire quelque chose”, ou “à quelque chose”, ou “en quelqu’un”). Car considérer le verbe croire dans sa transitivité (autrement dit accompagné de son complément) est pour l’auteur la tentation à éviter. Selon lui, en effet, cela ne mène à rien. Si ce n’est, mais c’est moi qui le souligne, à poser la question diabolique : Qu’est-ce que croire en Dieu ?

            Le mot croire dans sa forme transitive étant éliminé, reste à l’auteur à s’interroger sur la signification du mot croire dans sa forme intransitive. Sur le mot croire pris tout nu, sans objet, sans destination et sans but. “Croire”, tout seul. Ici l’auteur ne le dit pas, mais on passe subrepticement, ce faisant, de l’examen de la croyance chrétienne (ou monothéiste) à la croyance de type bouddhique. Celle-ci pouvant s’énoncer à minima comme la croyance en rien. Ainsi le tour est joué. “Le but étant laissé de côté, triomphe l’auteur, [donc] est le croire”, sans complément, comme vivre ou respirer. Croire, en effet, appartient au corps. C’est une sensation. “Une vibration. Une vibration bienveillante qui m’attend.”. N’allez pas chercher plus loin. “Croire est quelque chose qui m’anime, qui est plus que moi”, “qui me donne de la joie”. Et l’auteur de conclure par cette phrase, isolée dans la page, presque un alexandrin, belle comme une pensée de Christian Bobin :

Croire est un autre nom du délice d’être au monde”.

            Cela n’est-il pas mignon ? On ne voit pas clairement, certes, comment la foi se différencie du plaisir, de la jouissance, du désir, ou de la bonne humeur que j’éprouve au premier matin du printemps. On ne peut cependant que se montrer sensible au sentiment de bien-être qui se dégage du texte de la dissertation. Celle-ci fût-elle la production d’un homme bien nourri, dans la force de l’âge, intellectuellement nanti, et situé du bon côté de la hiérarchie sociale. Au point de se sentir en droit d’évoquer devant nous “l’immense bienveillance du monde à son égard, miroir de la bienveillance [qu’il exerce lui-même] à son égard.” Paroles qui pourraient être interprétées, à défaut d’avoir lu l’Art français de la guerre, comme celles d’un homme oubliant outrageusement la détresse qui hante la Terre. Mais paroles, dans l’ensemble, qui redonnent du lustre et une touche de modernité à l’acte de croire. Paroles, tout compte fait, bonnes à prendre. Et même à publier dans une revue chrétienne. On peut bien, de temps en temps, sans se renier, se parer des plumes du paon.

 

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 16:32

Religion

Habémus papam

 

             Il parait bien ce nouveau pape. Ses premiers mots, ses premiers gestes, ne sont pas vides de sens. Ils sont chargés de symboles. Il se choisit un nom : François. Un nom non suivi de la majesté d’un chiffre romain. On pense tout de suite à François d’Assise. Ce saint qui respire l’esprit de l’évangile. La première parole du pape a cette teneur évangélique et franciscaine. Il veut une église pauvre. Ceci en une époque où l’argent est roi. Premier grand message. Le second est apostolique. Et notamment tourné vers l’Orient. Car l’on pense aussi à un autre François. A l’un des premiers compagnons d’Ignace de Loyola : François Xavier. Ce missionnaire qui s’en alla, contournant l’Afrique, évangéliser les Indes, le Japon, et mourut de maladie sur le rivage d’une île en contemplant la Chine.

            En quelques mots, quelques gestes, ce pape simple qui dit bonsoir aux gens a tout dit. L’homme est porteur d’une vision. A présent, se dit-on, il pourrait se contenter de se taire. Se montrera-t-il fidèle à son commencement ? Il semble raisonnable de l’escompter : il a fait vœu, en tant que Jésuite, d’obéissance au pape.

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23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 15:30

Religion

 

Noël

Un repentir de Dieu

  

Dieu, qui s’ennuyait, décida de créer le monde.

Ce dieu était un bricoleur de génie. Il avait seulement la vue un peu courte. Ayant conçu le paradis il jugea, je le cite : “que cela était bon”. Le plaisir de contempler sa création fut bref. La Terre, par endroits, se mettait à trembler. Ailleurs, à cracher le feu. Les vents, périodiquement, emportaient les cabanes. Les océans, sauvagement, sortaient de leur lit. Cela produisait des taches dans le paysage. Le plus dramatique était ailleurs. Les plantes, les oiseaux du ciel, les animaux, les humains, pour tenter de vivre, devaient s’entredévorer. Cela répandait sur la Terre de la peur. De la haine. De la souffrance et du sang. Un mal honteux, inexorable.

           Entre maux et merveilles, si je fais la moyenne, songea Dieu, mon œuvre n’est guère une réussite. Ne peut être reconnue comme l’ouvrage d’un Dieu. Trop de saletés. Trop d’horreurs. La chose en somme est ratée. Comment vont-ils croire, les humains, en ma divinité ? En ma puissance ? En mon amour ? 

            Dieu se sentit responsable. Désira assumer son erreur. Entra dans le repentir. Il descendit, pieds nus, sur le terrain.  Prit corps parmi les hommes. Naissant, comme eux. Souffrant, comme eux. Partageant ce qu’ils vivent. Pour expier. Espérant de la sorte obtenir le pardon. Le pardon des humains.  Qui en voudrait à un enfant ? A un bébé agitant ses petits pieds dans la crèche ? –Fable de Noël.

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