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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 08:19

Littéraire

 

Louis-René des Fôrets

“Le bavard”

Gallimard, 1946

 

Est-il possible que l’on prenne du plaisir à parler pour ne rien dire ? A discourir pour rien. Sans le désir de découvrir une vérité ou de communiquer quelque chose à quelqu’un ? Pour la seule jouissance d’articuler des mots selon les multiples voies qu’autorise le langage ? Le long de 150 pages, et pour mon ennui, telle est semble-t-il la question que se pose l’auteur dans les années 40, dans ce livre très coté intitulé “Le bavard”. L’écrivain, la chose est incontestable, fait preuve d’une grande dextérité en articulant toutes les directions possibles que peut emprunter la pensée. Se jouant du pour et du contre, du vrai et du faux, du réel et de la fable, du mensonge et de la sincérité. Son art, si ç’en est un, est celui de la prestidigitation littéraire. Entre ses mains, la flamme émet de la chaleur mais ne brûle pas. Ne laisse nulle trace, nulle cendre. Se consume pour rien. Le bonheur d’obtenir zéro.

Cette pratique vocale, chacun le sait, captive le nourrisson. Le plaisir de jaser, de balbutier, de proférer des phonèmes, n’est-ce pas la voie royale d’accès au langage ? Adolescent, il me faut l’avouer, j’ai encore été la proie de ce type de fantasme. Le fantasme de haranguer la foule. De hurler, juché sur une estrade en un point précis de la place publique. L’endroit, j’en vois encore l’image. Je n’avais, autant que je le sache, rien de précis à lui dire, à la foule. Et puis, plus tard, devenu jeune adulte, il y eut encore ce poème. Le poème ci-dessous que je vous offre en pâture. Là encore, je haranguais. Mais j’avais cette fois, manifestement, quelque chose à dire.

Quelques pages néanmoins m’ont ému dans ce livre élégant, quoique ratiocinant, de Louis-René des Forêts. Dans le petit matin glacé, sous la neige, c’est le passage où le héros violenté, mal en point, se surprend à entendre, chanté par un chœur d’enfants, une musique très belle. Touché par le sentiment du sublime, notre bavard décide un moment de se taire à jamais. Puis s’interroge sur ce que l’on peut nommer l’émotion esthétique. Ses causes. Le texte s’avance alors avec pertinence en direction de l’enfance, de sa nostalgie. J’ai cru, j’ai espéré qu’il creuse longtemps, qu’il s’avance profond. Jusqu’à l’empreinte du bonheur triomphant de la terreur de naître. Il ne l’a pas fait.

Dès lors, si “Le bavard” a été composé pour sevrer le lecteur, on peut le considérer comme une œuvre réussie.

   harangueur-001.jpg

Poème

Harangue

(Extrait du poème ci-dessous mentionné)

 

 

“Que cherches-tu, dis-moi, jeune homme trop civil,

Qui prends ici la pose ?

Parle.

– Oh, je veux un jour exposer l’autre face.

 

Être le géant fou

Hirsute, les cheveux verts.

A l'épaule tatouée

Au poitrail acajou

Qui harangue la ville

Et fait enfler la foule.

 

Un jour

 Vociférer.

Catapulter les mots.

Insulter les icônes.

Conspuer les statues qui sidèrent vos places !

 

Ô

WATCHE !

Irruptez de ma bouche,

Cacophèmes fumaces,

Perforez, fissurez

La commissure des sens

Et qu’alors, alors

EXPLOSE LA CUIRASSE !

(Etc !)

 

 

 o

 

 

 

 

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