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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 20:59

Intime

Lettre à B.

 

            Un beau cadeau de nouvel an, cher B., que cette grosse enveloppe qui me vient de ton haut pays, chargée de ce “devoir de vacances” que tu m’adresses : vingt pages dont j’achève à l’instant la lecture. Ton propos, intitulé “Le désir, la mort, le sacré”, paraît l’aboutissement d’un dialogue que nous poursuivons depuis très longtemps, au gré de nos rencontres. Manifestement, le petit chalet des Alpes où tu accomplis ce “devoir de vacance” (vacance sans s) te procure de la hauteur. Et c’est un bonheur, sache-le, que de lire une pensée novatrice et complexe, dans un propos qui s’énonce clairement. Et puis il y a les citations. Ces citations mises en exergue de quelques-unes de mes chansons. C’est chose douce, crois-moi, d’ici les retrouver : je les croyais perdues. Reconnaissance à toi, vieux frère, qui tient le rôle de celui qui ramène à la bergerie les brebis égarées.

            Ce qui impressionne, dans ton écrit, c’est la ténacité qui s’y exprime. Car en dépit des objections radicales que tu adresses au dieu, tu résistes à la tentation de le renverser de son trône. Il demeure, en majesté : la Totalité. (Une totalité spinoziste, de rationalité quantique, polarisée par Teilhard de Chardin, humanisée en termes de personnalisme chrétien : “Une union différenciée de tous avec Dieu”). En définitive, tu crois fermement ce qu’espère la chanson : “A brebis tondue Dieu mesure le vent.”. Non que l’on sente remuer au tréfonds de toi une peur du non-être dont tu chercherais à te protéger. Mais que s’affirme, éminemment, l’intensité d’un désir. Un désir d’être. D’être au-delà de la mort, participant du grand Tout. Sur ce désir tu ne cèdes pas. Il est le fond de ton être. S’y manifeste un trait de la noblesse de l’homme. “Être Dieu en Dieu”, comme osait le dire Maître Eckhart !

            Tes pensées, cher B., ont réveillé les miennes. Elles s’étaient assoupies. La faute en est au fort penchant que je nourris à l’égard du sommeil. J’aime dormir. Ajouté au fait que si l’on avait eu la gentillesse de me demander mon avis, j’aurais répondu non. Je n’aurais pas fait le choix de vivre. N’aurais pas consenti à m’associer à ce projet pervers de la Création. (Autre expression peut-être, ce refus, de la noblesse de l’être parlant ?). Enfin, et en cela sans doute réside le facteur conclusif : je me suis délivré, pour ne pas dire désintoxiqué de la question du sens. Des “fins dernières”, comme l’on disait, par mécanisme de langage. Il n’y a pas de fin dernière. La fin est aujourd’hui. J’attends dorénavant la mort comme un homme qui a fait sa journée attend l’heure de se mettre au pieu. Pour dormir, il est vrai, d’un sommeil sans rêves. Mais également sans cauchemars. Si la philosophie est d’apprendre à mourir, me dis-je, elle est d’apprendre à mourir en père peinard. –Soucieux seulement de ceux qui restent. Comment disait ma chanson d’autrefois, inspirée du livre égyptien des morts ?

       La mort aujourd’hui devant moi

 Comme au blessé la santé

         Ou comme s’asseoir sous un toit

              Quand il vente…”

 

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