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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 12:15

Politique

 Grève

 

            Le fait est là. Des millions d’hommes et de femmes décident de se mettre en grève. Consentent, en conséquence, à perdre des journées de salaire. A perturber leur vie et celle de leur pays. A l’appauvrir et le mettre en danger. Première réflexion : un tel acte ne s’accomplit pas sans d’impérieux motifs, quels sont-ils ?

            Assurément : un motif d’indignation. De protestation légitime lorsqu’un pouvoir en exercice, lié à la classe possédante, impose sa loi sur un point vital de la vie collective. En l’occurrence sans négocier, en y consacrant le temps nécessaire, les modalités d’une réforme du régime des retraites. Réforme, précisons-le, jugée unanimement nécessaire et urgente. Ce motif occasionnel ne fait donc que s’ajouter à celui substantiel que l’on connaît : le refus des grévistes d'atteindre plus tardivement l'âge de la retraite, autrement dit de travailler durant leur vie plus longtemps.  La question qui se pose alors est jusqu’à ce jour une question que l’on tait. Elle interroge, il est vrai, l’entièreté du monde.

            Pourquoi des hommes et des femmes qui demeurent jeunes, valides, et en bonne santé plus longtemps qu’il y a cinquante ans, refusent-ils le fait simple d’être au travail plus longtemps, alors qu’il s’agit de sauver de la faillite leur système de retraite ?

            Au-delà de nombreux cas particuliers, la réponse globale s’impose d’elle-même. Ce refus est le signe que le travail est aujourd’hui en France, pour la plupart des gens, un mauvais lieu. Un lieu dont il faut s’écarter au plus tôt. Dès que l’on a acquis les moyens de subsister. Non que nos concitoyens soient devenus d’incorrigibles paresseux. Mais que de moins en moins le travail est le lieu où la vie trouve sens. Mais de plus en plus le lieu de l'insatisfaction, de la dévaluation psychique, de la tension nerveuse, du stress, de la fatigue. De plus en plus le lieu de la fin du rêve et de l'idéal. Les médecins du travail le sgnalent, se désolent, n’en peuvent mais. Et l’on se suicide beaucoup, depuis quelque temps, dans les entreprises.

            La jeunesse a reniflé la chose. On lui apprend la philosophie de Descartes, l’histoire du monde, la théorie quantique, la longue conquête des droits de l’homme. Elle obtient laborieusement son bac et se retrouve, sous surveillance, à tenir la caisse numéro 8 d’un hypermarché aux horaires morcelés, éloigné de son domicile. Ou bien telle jeune femme fait Sciences Po et se retrouve à vendre par téléphone du pétrole. "Métro, Boulot, Dodo". Cette malédiction, dans ses modalités, depuis cinquante ans a changé. Dans les termes, elle demeure pertinente. Est ressenti avec d'autant plus d'acuité que la population (du fait de la prolongation des études et du développement des médias) se trouve à notre époque plus avisée, cultivée, désirante..

            Au travail, pour comble, il ne suffit plus d’accomplir correctement une tâche. Ou d’assurer consciencieusement un service. Encore faut-il les réaliser dans le temps requis. Un temps toujours plus court. La course est universelle, et l’on ne voit plus le facteur paraître à la maison. Car il s’agit principalement, chacun le sait, de faire du chiffre. A l’hôpital y compris, dans les gares, dans les crèches, les écoles, l’université... (Et même, ces temps-ci, à l’Assemblée Nationale et au Sénat). Partout le chiffre est roi. Un roi qui se révère en yuans, en dollars, en euros. Un roi aveugle qui nous régit et que nous servons avec la rapidité idéale des machines.  De sorte que la vraie vie, décidément, est ailleurs. Hors travail. Commence pour de bon, si l’on n’est pas trop fourbu, à l’âge de la retraite. Aussi est-il humain, hautement humain, de défendre, ce temps de vivre, bec et ongles. Et ce n'est peut-être pas le déshonneur de notre nation d'avoir l'énergie de le faire.

 

      Grève

             Qu’est-il arrivé à nouveau à notre société pour qu’en ce XXIème siècle, en un état démocratique, l’activité du travail soit ainsi ressentie ? Qu’il soit devenu impérieux de descendre dans la rue pour dire non à un monde avide et qui devient fou ? Le Veau d’Or, assurément, est toujours debout. Là réside à mes yeux le fond du problème.

            Par bonheur, rassurez-vous, Allah est grand et l’homme est en marche. Nous ne sommes, sans doute, qu’aux commencements du monde…

o

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commentaires

J
<br /> Tu rejoins des analyses que je viens de parcourir dans mon journal préféré "La vie" et en particulier celui de Jean-Claude Guillebaud qui commence ainsi : "Curieusement, un des aspects capitaux du<br /> débat sur les retraites n'aura pas été abordé. On parle de cette hâte générale à cesser le travail, alors même que les générations précédentes voyaient plutôt arriver l'âge de la retraite avec une<br /> vraie tristesse... je vous le ferai passer Jojo du Gourguillon<br /> <br /> <br />
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