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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 19:01

   chantier (suite)

 

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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 14:52

Société/Ploum

 

Page de publicité

 

         La publicité, c’est simple, Ploum ne la voit pas. Sur le Net, dans la presse, à peine aperçoit-il un motif, un vague agencement de couleurs. L’image comme telle ne prend pas figure. Le slogan qui l’accompagne passe inaperçu. Ploum ignore ce que vante la publicité. Le cerveau de Ploum est ainsi programmé. La commande a été passée : il opère un tri.

            Ce matin, 7 avril, le dispositif n’a pas fonctionné. Ou plutôt, nous l’allons voir, a très bien fonctionné. Par exception, devant la page du journal grand ouvert, Ploum regarde la publicité. Au cœur de la page, un mot. Un mot imprimé en gras et en lettres gothiques : “Le Monde”. C’est ce nom, ce nom seul, qui a retenu le regard. “Le Monde” fait dans “Le Monde” une publicité pour le “Le Monde”. Une publicité pleine page. Les yeux de Ploum la contemple. En plan géant, panoramique, un garçon et une fille s’embrassent. On voit seulement leur visage. La scène pourrait s’intituler Le baiser sur la bouche. La légende, lapidaire :

On ne sait rien quand on ne sait pas tout

En d’autres termes : consultez le Monde, vous saurez tout. Que sait-on en effet de l’histoire de ces deux jeunes gens ? De l’époque où ils vivent ? De ce que sont leurs rapports amoureux ? “Facétieux, murmure Ploum, un rien libertin. Mais curieusement racoleur. Pour conclure : pas le genre du journal”. Il a jugé trop vite.

            La scène du baiser, découvre-t-il, n’est qu’un détail. (Tel un fait que nous montre le journal télévisé.) Un gros plan prélevé sur une réalité plus vaste. Laquelle, au bas de la page, s’expose en totalité. Debout sur le sommet d’un mur sombre : des silhouettes inquiétantes. Silhouettes de soldats immobiles qui nous regardent. A leur pied, une foule est massée. Une foule pacifique qui leur fait face. Ce mur est le mur de Berlin. Le mur de Berlin avant son écroulement. Au premier plan deux amoureux s’embrassent.

quand on ne sait pas tout ON ne sait rien

Sait-on jamais tout ?

 

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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 13:27

                                                                                                                                Société


La question oubliée

 

            Ploum s’efforce de penser. De “penser à partir de la pratique”. Une formule programmatique. (Elle est l’intitulé d’un livre dont lui parla St-Just.). “Prenons pour objet la télévision”, décide Ploum. Il ne va pas chercher loin son objet. Au pied du lit –son lit posé à même le sol– le poste de télévision trône. Et c’est tant pis pour l’horizon. Pour le jeu du vent dans les acacias. Le vol des corneilles quelquefois. La nuit : le clair de la lune. L’écran est là, gigantesque. Il barre le paysage. –“Qui l’a mis là ? Quel est l’enfant d’idiot qui l’a placé là ? se réveille Ploum, un peu tard. (Mais où le poser ailleurs, à vrai dire ?)” Ploum consterné.

            L’imbécile, c’est lui. C’est tout le monde. C’est personne. –C’est l’étonnement, il s’en souvient, d’un collègue de bureau : –“Comment ? T’as pas la télé ?”. Et le silence inquisiteur qui s’en suivit… Le type, faut-il dire, était le genre branché : téléphone mobile à multiples fonctions, ordinateur portable, clé USB, G.P.S… L’équipement réglementaire de l’homme normal du temps. Ploum acheta la télé.

            Quelques chaînes bien choisies auraient suffi. On lui en colla 70. Il posséda le monde. Eprouva durant quelques heures le bonheur de zapper. Assista à des matches. Connut la tête de ceux qui nous gouverne. Admira le paysage de contrées lointaines. Avala des tonnes de publicités. S’en lassa. Redécouvrit la radio. La lecture des journaux. Cessa de regarder la télé.

            Adossé aux coussins, allongé sur son lit, Ploum fait la moue. Devant lui l’écran noir. Sa masse insolite. A laquelle il en veut. En plus des nuages, du silence, de la rêverie d’où lui viennent ses idées, l’écran l’a privé de son meilleur prétexte. Le prétexte qu’il avait d’appeler Olga. De s’inviter chez elle afin d’y voir un film. Que peut-être ils ne regarderaient pas. (Lorsqu’elle seule possédait la télé).

           La technologie nous mène et s’impose à nous, songe Ploum. Que va-t-elle faire de l’homme ? Nous fait-elle la vie bonne ?”– La question oubliée. Que nous cache la télé.
                                     
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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 12:55

                                                                                                                                       Société

                                                             

Exception française

(Européenne ?) 

  
         
Laissons un moment l’économie, voulez-vous ? Parlons mentalité. Le citoyen français, estime Ploum, excelle dans une pratique particulière : la pratique ordinaire de la haine de soi. Ce citoyen n’est pas content. Des autres, bien sûr. Avant tout de lui-même et on le comprend. Dans le monde d’aujourd’hui, il n’est pas de peuple aussi peu courtois, souriant, accueillant que le peuple français. Dans la rue, le métro, les immeubles d’habitation, le citoyen français est un être aphasique, raide, sans regard, sans égards, replié sur lui-même, prêt à mordre. On le croise, il vous donne des boutons.

            Il habite cependant un pays superbe. L’un au monde des plus tempérés. Il bénéficie d’un régime politique qui lui assure une assez large liberté. Une culture que l’on peut dire éclatante. Rien n’y fait. Le Français gronde et fait la gueule. Ce ne fut pas toujours le cas. Le Français connut naguère une bonne réputation. Une réputation de gentillesse, de politesse, et de gaieté. Il n’avait pas beaucoup d’humour mais avait de l’esprit. Etait brillant, amusant, inventif. On le disait en outre hospitalier. Que lui est-il arrivé ?

            Les Français, pense Ploum, sont récemment tombés de haut. De trop haut. Ils ne s’en sont point remis. L’ampleur des pertes de prestige qu’il leur fallut subir en un seul demi-siècle, si on la considère, laisse en effet pantois. Sans entrer dans le détail, Ploum énumère : Depuis 1939, Les Français ont perdu trois guerres. Dans l’une, celle de 40, ils ont perdu l’honneur. Leur participation à l’arrestation des citoyens juifs demeure une honte, une faute inexpiable. Ils ont ensuite perdu leur Empire. Et avec lui la candeur qu’ils entretenaient d’être des missionnaires de la civilisation. Parmi eux, les chrétiens ont perdu l’auréole de se croire “La fille aînée de l’Eglise”. Tandis que la classe ouvrière et son intelligentsia, en 89, perdait l'orgueil de se croire à l'avant garde de l'humanité. Et tous ont perdu l’illusion de s’estimer les plus beaux, les plus généreux, les plus intelligents des humains.

            Ce destin brutal, en l’espace d’une vie, fut néanmoins le sort de bien d’autres nations. Ce qui est spécifique à la France pourrait être d’un autre ordre. Autre chose qu’une blessure d’amour-propre. Pourrait être de nature mentale. Toucherait, songe Ploum, à l’âme de la nation. Ce que les Français ont perdu, en effet, c’est la fierté de croire posséder la Raison. La raison universelle, dans toute son ampleur. C’est laisser imaginer combien le narcissisme était grand, et combien la blessure est profonde.

            Le “Pays des Droits de l’homme” est aujourd’hui un pays ordinaire parmi d’autres. Sa langue, jadis internationale, est en passe de devenir une langue vernaculaire. Son art, sa littérature, ses méthodes d’éducation ne font plus école. Plus de quoi pavoiser. Le pays n’arbore plus ses couleurs. Celles-ci ne composent plus le paysage français.

            Dans l’inconscient collectif, cependant, là est le drame, l’idéal (l’idéal du Moi national) demeure. Plus grave encore : il occupe désormais la place du surmoi. Un surmoi sévère dont les impératifs persécutent la nation. Laquelle ne s’aime plus. N’est plus “à la hauteur”. Se considère désuète. Tâtonne à la recherche d’une identité incertaine. Plus indéfinissable qu’en tout autre pays et pour cause : le citoyen français, dans l’idéal du moi, est un être universel. Un être abstrait, laïc, hors espace et hors temps. Ce propos paraît sibyllin ? Il va s’éclairer.

            Sous l’effet de cette pensée universelle implicite, il n’y a plus par exemple, pour le citoyen français, ni dedans, ni dehors. Cela apparaît dans la forte répression qui s’exerce sur le langage. Parler territoire ou frontière est pour lui une incongruité. La notion de racine est  une métaphore nauséabonde. Différencier le “chez soi” du “chez l’autre”, est une grossièreté. Se dire “français de souche” est un acte barbare. Le terme d’étranger est un archaïsme. Il n’y a plus d’ailleurs. Il n’y a plus d’autres. “Ni Juif, ni Grec, ni homme, ni femme.”. Seulement des semblables, des mêmes, impersonnels. Sans particularité ni corps. Il y a l’homme.

            Sous l’empire tyrannique du surmoi, toujours, le citoyen se pense également comme un être intemporel. Dans son pays, il n’y a ni avant, ni après. Nul ne peut oser penser qu’il était là, avant. (Ce qui le met en position d’accueil à l’égard de celui qui s’en vient, après.) Le droit du premier occupant n’a plus cours. Le pays de nos pères, en dépit des tombeaux, est un terme obsolète. Il n’y a plus, du même coup, de nouvel arrivant. D’homme, de femme ou d’enfant venant d’ailleurs, en demande d’hospitalité. Ils sont d’emblée pensés comme étant d’ici, sans passé, sans culture, venant de nulle part. Nulle nécessité de leur parler, de leur offrir les clés, ils les ont.

            Les faits bien entendu contredisent l’idéal. L’idéal refoulé mais présent, qui s’affronte au divers. Il en résulte ce que l’on nomme une schizophrénie. Une grande confusion mentale. Dès lors, se demande Ploum, avec quels repères, avec quels vocables, le citoyen de ce pays peut-il penser ? Penser le présent ? Vivre allégrement ce grand et merveilleux cortège de  population qui lui arrive ?

            Sans compter le deuil qu’il lui faut accomplir de sa grandeur passée, sans compter la crise économique et sociale qui l’afflige, comment ne pas comprendre en quoi le citoyen français ordinaire se montre déprimé, irritable, défensif ? En somme peu aimable. Et ce, à défaut de retrouver le socle d’un universel concret, où s’aperçoit le singulier dans l’universel, et l’universel dans le singulier. Le citoyen du monde a besoin d’un nid. Celui-ci fût-il imaginaire.

            Ploum, citoyen français (de son vrai nom Sélim, né à Tlemcen, de père et mère kabyles) se sent triste. Il aimerait pouvoir dire sans honte, et sans se montrer politiquement incorrect, qu’il est venu d’ailleurs, qu’il est né quelque part.

 

Dromadaire à Lyon
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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 10:59

                                                                                                                                                                           Société

Solution à la crise ?

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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 13:38

Société

 

Retour à Confucius ?

   IMG-copie-25         Confucius, ses propos rapportés, commentés, discutés au long de plusieurs millénaires, sont pour la Chine ce que sont pour nous la Bible et la pensée grecque : un fonds culturel ancestral.

            Survient le siècle dernier. Confucius, en 1919, est l’objet d’un froid reniement. Dans l’Empire du Milieu en décomposition, son enseignement devient aux yeux de certains la source de tous les maux. Est tenu responsable de l’inaptitude de la Chine à épouser la modernité, celle-ci représentée par l’Europe, l’Amérique et même le Japon.

            En 1965, et dans les dix années qui suivent, la Révolution culturelle et les Gardes Rouges achèvent d’enterrer le Maître. Ce n’est pas, se dit-on, sans raison. Si l’on en croit Mencius, l’un de ses premiers continuateurs, “Le peuple est ce qu’il y a de plus précieux. Les autels des dieux du sol et des moissons viennent en second, le souverain en dernier.”. Mao Tsé Toung, le Grand Thimonnier, ne devait pas apprécier énormément ce genre de propos.

            En 1989 l’Empire soviétique s’effondre. En Chine, l’ère de la Révolution va bientôt s’achever. Aujourd’hui, la Réforme lui succède. Slogan : “Un pays, deux systèmes”. Le système capitaliste pour l’économie, le système socialiste pour le cadre politique. Au sein de la population, la fin du marxisme léniniste laisse un vide. Un vide idéologique, psychologique et moral. On redécouvre Confucius. Des écoles s’ouvrent et enseignent sa doctrine. Sera-t-il à nouveau l’inspirateur de “l’Harmonie sociale ” désirée ?

            Viens de relire Confucius (de son vrai nom Kong Fuzi. Ce qui signifie en chinois Honorable Maître Fuzi. Les Jésuites, au 17ème siècle, rebaptisèrent son nom.). A reprendre la lecture de ses “Entretiens”, je tremblais de peur. Peur d’éprouver l’ennui, comme je l’avais connu naguère, lisant des mots que je jugeais moralisants, conservateurs, d’un sens commun désolant. C’était oublier le contexte social (un Empire féodal en morceaux), le moment historique (le 5ème siècle avant J.C.) et ne pas apercevoir la nouveauté du propos. Les Jésuites, en revanche, puis Leibniz, Voltaire, et nos révolutionnaires ne s’y sont eux pas trompés.

            Confucius n’est nullement un philosophe systématique à l’image de Platon. Ni un questionneur opiniâtre comme le fut Socrate. On l’entend plutôt comme un sage. Un sage à la manière de Jésus, hormis les miracles et la référence à un Dieu personnel. On l’interroge, il répond. Lao Wo lui demande-t-il s’il peut transgresser un rite familial sacro-saint ? –“Si ta conscience est tranquille, lui répond le maître, fais-le.” Ailleurs, on l’entend dire : “Si quelqu’un n’est pas curieux d’apprendre, je ne lui enseigne rien. Si je tiens un bout du problème, et qu’il ne me rapporte pas les trois autres, j’arrête là mon enseignement ” “L’homme de bien, énonce-t-il encore, pénètre les choses par le haut. L’homme de peu par le bas.”. Ce qui ne l’empêche pas d’ajouter : “J’étudie les choses les plus simples, pour pénétrer les plus hautes.

            Le maître n’a nullement réponse à tout. Il doute, n’en croit rien, n’ose pas, garde le silence. Un charme se dégage des Entretiens. On perçoit l’homme. On le sent vivre, s’affliger familièrement de la dégradation des mœurs. (Le sens moral, c’est bien connu, ne cesse de décliner). “Je n’ai jamais vu aimer la vertu, se plaint-il, comme on aime une jolie femme.” Vis-à-vis des hommes de pouvoir, le propos se montre tranchant. Ji Kangzi s’enquiert un jour de l’exercice du gouvernement : “Qu’en serait-il si j’ôtais la vie de ceux qui ne suivent pas la Voie ?”. –“Comment peut-on gouverner en pratiquant le meurtre ? ” répond le Maître.

            Ces quelques citations pour vous attirer. Vous inviter à lire Confucius en même temps que nos camarades chinois. Trouveront-ils une nourriture spirituelle suffisante chez ce vieux sage traditionnel, qui considère d’un seul tenant, si j’ose dire : l’homme individuel, sa famille, ses ancêtres, le peuple et l’Etat ? Verseront-ils dans un nationalisme pur et dur ? Dans une religiosité populaire rituelle ? Ou découvriront-ils, dans les paroles de Kong Fuzi, une ouverture donnant sur la Voie ? La Voie des Droits de l’Homme ?

           Existe-t-il enfin une seule maxime que l’on puisse appliquer toute sa vie ?” demande Zi Gong. –“Ne pas imposer aux autres ce qu’on ne désire pas pour soi-même”, répond le Maître. Kant, pas loin.
                                                                             
                   
                                                            

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6 mars 2010 6 06 /03 /mars /2010 18:58

Société

 

Iseult en solde

             IMG-copie-22.jpg             
Surpris, Ploum, en retrouvant Iseult. Mais en solde.

 Lorsqu’il l’a connue, ne portait-elle pas des lunettes bleues ?

 Désormais, à sa demande, il l’appelle “Isolde”.
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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 14:33

Société

 

Histoire de blonde

 

            Nous étions douze à table, ce dimanche. Comment la chose est-elle venue ? Nous nous sommes mis d’abord à parler des Belges. Pourquoi ne pas parler des Belges ? Ne sont-ils pas des gens vivaces, haut en couleur et créatifs ? De surcroît des gens qui apportent beaucoup à notre vieux pays ?

            –“Depuis que Bruxelles est devenue capitale de l’Union, observe un anthropologue,  combien notre discours sur les Belges a changé ! Dans les années 70, après Marie-Chantal, après les Suisses, les Belges n’étaient-ils pas l’objet de toutes nos histoires ? Nos fameuses histoires belges ?”.

            –“Aujourd’hui ce sont les Blondes ! s’écrie en chœur la nouvelle génération. Carla et moi surpris, qui nous tenons pour des personnes informées. Informées du moins des choses importantes qui surviennent dans le monde. (Il nous faudrait écouter quelquefois France Inter). Nous faisons répéter. Il s’agit bien de blondes, petites sœurs des brunes. Et non d’une peuplade inconnue de nous. Et que leur arrive-t-il, à ces pauvres filles, dans ces histoires de blondes ? Eh bien ceci par exemple :

            L’une d’elles, Solveig, est sortie avec un dentiste. Au matin elle complimente son amant : “Charles, vous êtes merveilleux. Professionnellement, j’en suis sûre : N’êtes-vous un dentiste ? –Ciel ! Solveig. Comment l’avez-vous deviné ? –Je n’ai cette nuit, mon cher, absolument rien senti !”.

            Pas le mordant, avouons-le, d’une bonne histoire juive.
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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 12:19

Société


Sous le couvert du voile

 

         Un journal saoudien (j’en ai perdu la référence) s’indigne de l’hostilité des Français à l’égard du voile intégral. Tandis que les Français jugeraient normal, commente le chroniqueur, qu’une femme européenne s’exhibe en “bikini” sur une plage d’Arabie. Ce journaliste a le mérite de situer le problème sur son juste terrain, celui du rapport des cultures.

            Certaines de nos compatriotes, figurez-vous, s’en vont aujourd’hui encore faire des stages de massage dans les sables du Sahara. En toute innocence. Et l’Occident tout entier, en diffusant d’abord des images (celles-ci interdites par le Livre), ensuite des images de femmes dénudées, et pour comble des images pornographiques, –l’Occident n’a pas la moindre idée de la violence objective qu’il exerce sur la culture musulmane. Depuis des lustres. Une large part de la contre-violence islamiste trouve en cela son origine ; et le propos de notre journaliste, qui oppose le voile et le bikini, ne doit pas nous surprendre. A ses yeux, implicitement, le voile porté en France est une réplique. La réplique de la femme mise à l’ombre face à la femme mise à nu. Deux cultures. Deux symboles.

            Deux symboles qui, déplacés d’un pays à un autre, se chargent du fait même d’une sourde violence. Ce qui en effet va de soi à Paris ne va de soi à Ryad. La burqa , dont le port est de règle en pays pachtoune, fait objection en pays champenois ou bressan. Est reçu comme un refus de l’échange social des regards. Comme l’imposition d’un rapport asymétrique où l’un regarde sans être vu, tandis que l’autre sans voir est observé. Enfin et surtout, comme l’énoncé d’un “Je ne suis pas de votre monde  et je n’entends pas l’être”.

            Les pensées de la femme cachée peuvent bien être libres et hautement spirituelles. Quiconque est un peu noble le présumera volontiers. Pourtant, le fait est là. Le port de la burqa produit chez nous, objectivement, l’effet d’un acte hostile. La porteuse ne peut longtemps l’ignorer. Le geste par conséquent se sait hostile. Dès lors, sous le couvert du voile intégral, c’est une idéologie qui paraît. Laquelle, on le sait, désavoue les acquis de notre histoire depuis au moins la Révolution. Et notamment le principe de l’égalité en droit de l’homme et de la femme. Que la porteuse le veuille ou non (Dieu ait son âme), le port de la burqa dans notre pays prend la signification d’un acte politique. Il appelle en réponse une parole politique.

            Pour la clarté de la vie collective, la chose doit donc être dite. Dans le pays où nous sommes le citoyen est un individu. L’individu une personne. La personne une voix. Cette voix un visage. Pas de visage, pas de citoyen.

            A dire vrai, ce qui dans la burqa me préoccupe, ce n’est pas la burqa. C’est le désarroi des décideurs face à la burqa. De qui, de quoi ont-ils peur ? Le savent-ils ?
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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 10:21

Société

 
Chantier

 

            Le square, sous la fenêtre, a disparu. Les arbres, les fleurs, le gazon, la pièce d’eau, la statue, ne sont plus. Les arpenteurs, les géomètres sont venus. Puis les marteaux-piqueurs, les camions à benne. Table rase entre les hauts immeubles. Périmètre immense de terre brune en forme de long trapèze, ceinturé d’une palissade métallique blanche. Ombre des habitants aux fenêtres. Leur silhouette furtive aux balcons.

            Cylindres, cubes, parallélogrammes, entonnoirs, toupies géantes, appareils compliqués, blocs blancs des abris Algéco. Surfaces luisantes, rouges, bleues, vertes, oranges. Rouges surtout. Celles-ci striées de lignes droites entrecroisées : filins d’acier à la verticale, trait oblique d’un bras de grue vertigineux dressé vers le ciel, énorme crochet suspendu dans les airs. Le tout, dans le rectangle de la fenêtre, tel un tableau cubiste de Fernand Léger, dont les motifs, violemment secoués, constitueraient un inextricable chaos.

            Pourtant, à grands renforts de soupirs et de grondements, tout cela remue, ahane, travaille. Impeccablement. Sans heurts. Tranquillement. Sans arrêts. De 7 h du matin à 9 h le soir dans la neige et le froid. L’excavatrice, inlassable, percute le sol et le creuse. Les bulldozers, rageurs, aplanissent la terre, la refoule en tas. Les pelles mécaniques, de leur bras articulé (d’une agilité surprenante), emplissent la benne d’énormes camions. Ceux-ci sans interruption se succèdent et reçoivent leur chargement. La grue géante, montée sur un roulement chenillé, semble avoir le regard aveugle. En cet instant elle suspend dans les airs, à l’aplomb d’une tranchée, un tuyau de 30 mètres de haut. Puis l’y laisse plonger, jusqu’à le faire disparaître. Ce qui s’élabore en cet arsenal est l’enveloppe bentonitique de ce qui sera la coque d’un parking souterrain.

            Disséminés dans les zones concédées par les monstres, de petits personnages boudinés (au total dix au plus) se tiennent droits et par instant se font signe. Coiffés de casques blancs, chaussés de bottes, vêtus d’un gilet jaune fluorescent, ils semblent des bonhommes échappés d’un jeu de Playmobil que l’on offre aux enfants. A nos yeux, ils sont à vrai dire des géants. Les dieux d’un autre monde, assurés et tranquilles, qui savent ce qu’ils font, pourquoi ils le font.

            Carla et moi fascinés. Disons le mot : édifiés. Il nous faudra un jour, quelques bonnes bouteilles sous le bras pour assurer les libations, aller de plus près honorer les dieux.

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  • : Un regard ironique sur soi-même les choses et les gens plus recension de livres.
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