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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 16:00

Gens

 

Pâques 2010

 

 

            Un endroit retiré de la campagne française. Repas familial traditionnel. C’est le jour de Pâques. Nous sommes douze à table. La maîtresse de maison à ma gauche, envisage d’aller passer dix jours au Maroc. L’épouse de l’homme qui se trouve à sa gauche est en Chine avec ses élèves. La jeune femme devant moi revient d’un séjour d’un an au Japon. Son ami est allé passer Pâques auprès de ses parents en Bosnie. Le frère de la même jeune femme commence un stage dans une entreprise à Berkeley. Carla, enfin, évoque le voyage qui va la conduire dans les jours qui viennent à Florence. Personne ne s’en étonne. Le périmètre de la maison est le monde.

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 11:39

                                                                                                         Intime

Réponse à une lettre d'Orient

                             Chers Amis,

            Merci de votre longue lettre d'Orient, qui nous fait grand plaisir. Elle est un feu d’artifice, silencieux, vu de loin. On y voit éclater tous les noms : Thibaut, Guillaume, Gauthier, Blandine, Agnès et Henri. Cela fuse, explose, se disperse. Fait penser au jaillissement de la vie, dans les couleurs de la gaîté.

            Et puis il y a Bangkok, la Thaïlande, l’Asie. D’où l’on prépare, voyez-vous, une licence de lettres en Sorbonne. D’où l’on suit le régime alimentaire et les petits chagrins de ses clients abandonnés en Europe. Où, sur place, l’on conduit une recherche pointue pour le compte de l’Etat associé au secteur privé. Tandis qu’au pays deux fils occupent la maison des parents. L’un brillant dans les cours d’une école de graphisme, l’autre trouvant son bonheur dans la confection de structures métalliques. Un troisième pouponnant. Se préparant à bâtir une maison à Ste Geneviève des Bois (Essonne). Abolies les frontières, annulées les distances ! Dans un quartier chic (tennis, piscine) vous semblez, à Bangkok, heureux comme Dieu en France. Avec, pour le frisson, un peu d’étonnement. Voilà qui s’inscrit allègrement, à nos yeux, dans le mouvement de la modernité. Ai-je bien lu ?

            Contraste superbe avec ma petite vie présente. Sédentaire, méditative, semi érémitique, résolument rétive à l’esprit du temps. Dont les plus grands voyages, en été, se bornent à explorer des coins perdus du Massif Central. (J’ai peaufiné la formule). Une existence retirée dont l’activité dominante consiste à dormir ou, dans les moments de forte intensité, à somnoler en écoutant la radio, une seule, dépourvue de publicité. En somme : une vie en sourdine, si je l’ose dire.

            Car devant nos fenêtres s’est installé un énorme chantier. Le creusement d’un parking souterrain. Il remplace pour deux ans le joli square que vous avez connu. La vive admiration que nous éprouvons à observer le travail des ouvriers nous fait prendre en bonne part le vacarme qui monte. Un travail précis, tranquille, inlassable. De 7h du matin à 9h du soir, c’est un miraculeux carrousel. Une chorégraphie d’engins, de grues, de bulldozers, de bétonneuses. Et Gauthier apprécierait la plongée d’armatures métalliques géantes dans les profondeurs de la terre.

            Carla (“merveilleuse créature du bon dieu”) est en plein épanouissement. Lisant tous les jours Le Monde, elle devient un animal politique redoutable. Elle court la ville, c’est une marcheuse. Circuler, même le soir dans des rues populeuses ne l’effraie pas. Depuis quelque temps, ai-je noté, elle fréquente beaucoup moins les salles de concert et de cinéma. Mais ne manque pas les expositions et emprunte davantage de DVD à la grande bibliothèque. Ainsi, le soir, le ciné-club se tient à la maison. (Nous négligeons complètement la télévision). A défaut de disposer d’un bras de mer pour y prendre son bain, la chérie s’adonne régulièrement à une séance de gym le lundi. Et suit des cours d’initiation au langage des signes à l’Université.

            Ce dernier apprentissage pour enrichir sa relation à Clément, 8 ans, le quatrième enfant de son fils Pierre. Chez ce garçon, toujours le même bonheur de vivre malgré ses multiples handicaps. Depuis sa naissance, il ne cesse de nous étonner. Je n’aime pas les bébés, la chose est connue. Mais les petits-enfants (8 à 13 ans) deviennent grands et les liens avec eux joliment se resserrent. Sur ce terrain de la vie familiale il me faut tout de même céder place à Carla. Laisser ma compagnonne s’emparer à son tour de la plume. J’ai été bavard. J’avais plaisir à vous parler. A vous donner des nouvelles d’Europe. A vous faire une vraie lettre, comme au temps des diligences. Que vous souhaiter pour l’an 10 ? Bien sûr, mettant à profit le lieu, de progresser dans l’Eveil. Et, si la vie le permet, comme c’est le cas ici pour l’instant, de beaucoup rire. Je me retire. Bonjour et bons baisers. Il est temps, je crois, en ce qui me concerne d’aller faire un petit somme.
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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 10:11

Intime 

 

Philosophie dans le Vaucluse

 

            L’objet de notre colloque, amis, aujourd’hui est la mort. D’emblée s’impose une distinction majeure : La mort, ce n’est pas le mourir. Le mourir appartient à la vie. A la vie en tant qu’elle s’en va. Quand elle en est le dernier moment. Un moment généralement déplaisant. Douloureux. Ce moment n’est pas ce soir notre objet. Notre objet c’est la mort. Objet léger s’il en est, et, à y bien penser, une vraie consolation.

            La mort, en effet, n’est pas un état douloureux. Pour la raison qu’elle n’existe pas. N’existe pas pour la personne que nous sommes. Notre personne était ? Elle n’est plus. La flamme s’est éteinte. Plus de feu dans l’âtre. Seulement la cendre. Une cendre insensible. Laquelle n’est pas nous.

            Notre personne (sa conscience, ses soucis, ses angoisses, etc..) n’existe plus. N’éprouve plus aucun mal. Pour en avoir le cœur net, méditons un moment ceci : Gardons-nous le moindre souvenir du temps où nous n’étions pas ? (Avant et bien avant votre naissance ?) Dès lors, qu’avons-nous à craindre du temps où nous ne serons plus ? Simplement, ainsi que le dit Brassens : “J’aurais jamais plus mal aux dents.”. Lorsqu’on y songe, mes camarades : une bonne nouvelle. Question : Pourquoi tant de gens, de par le monde, ont-ils encore peur de la mort ?N’est-ce pas qu’ils confondent le mourir et la mort ? "

(Le vin était bon. Le colloque fut enjoué).
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24 décembre 2009 4 24 /12 /décembre /2009 14:46

Intime

 

  Cet homme

 

Son corps ne donnait point d’ombre

La main ne laissait nulle empreinte

 Son image ne s’accompagnait d’aucun signe distinctif.

Existait-il ?

Le cheveu était sans couleur

Le nez sans moyenne

Les yeux ne reflétaient nulle étoile

Le nom n’avait pas d’orthographe

Le prénom était sans voyelles

Le jour de naissance était sans date

Le lieu de naissance comportait un blanc

Son identité était sans carte

Son langage sans précédent

Il était seul

Il paraissait aimer son chien

J’ai rencontré cet homme

Certains (les Grecs) le prenaient pour un dieu

D’autres le nommaient Jeshua

Il était un autre moi-même

Je l’appelais mon frère.

                                                                                   Noël 2009
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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 10:59

                                                                                                                                       Intime

 

Merci Montaigne

 

           Ma mémoire ! Sa déficience extrême : Il m’arrive de reprendre un livre que je crois inconnu de moi. De découvrir que je l’ai lu soigneusement. Barbouillé de mes notes quelques années plutôt. Aussi ai-je pris l’habitude d’ajouter au bout du livre la date à laquelle j’ai achevé la lecture. Et le jugement que j’en retire, en gros. Afin que cela me présente à nouveau la physionomie, l’idée générale que j’avais conçues de l’auteur.”

            Ces mots sont de Montaigne (Essais,Livre II,Chap. 10). Ils me décrivent. Expliquent l’origine des courtes critiques littéraires que vous trouvez ici, pour mémoire. Merci Montaigne. On se sent moins seul.
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25 septembre 2009 5 25 /09 /septembre /2009 19:17

                                                                                                                                      Intime

 

 Sous tant de paupières

 

             Chaque semaine, revenant du marché, elle rapporte des fleurs. Ne quête aucun compliment. Un geste d’elle, c’est tout. Elle apporte des fleurs. Dans la cuisine. Un bouquet de couleurs. Une bouffée de parfum. Un geste pour personne. Elle pense déjà aux confitures. Qu’advienne la famine. Qu’arrive le malheur. Dans un pot de grès sur la table il y aura des fleurs.

            Elles sont là. Dix. Dix roses de jardin. Je les hume. Les dispose. Aucunes ne se ressemblent. Celle-ci est un bouton, clos. Cette autre, à peine née, comporte une échancrure. Un trait de sang. Cette autre, froissée, n’a pas fini de déplier sa jupe. Trois autres, premières nées, ont enfilé leur robe. L’une est rouge. L’autre orange. Rose est la troisième. Chacune a son génie. Sa puissance d’être. Sa force de volupté. Elles ne sont pas des choses.

            Elles vivent. Comme nous. Sous l’empire d’un destin : s’éveiller, s’ouvrir, déployer ses palmes. S’épanouir. Jusqu’à n’en pouvoir mais. C’est alors le chant. Le rire. Car elles chantent, les roses. Puis s’étiolent et en silence meurent.

            Je leur cause. Elles m’entendent. Reçoivent mon souffle. Soyez belles. Honorez notre table. Offrez-nous la leçon. Débordez de plaisir. De la joie d’être vous. Du bonheur d’être rose. Puis consentez à vieillir. A vous taire. Et comme on s’endort accueillez, doucement, la grande indifférence de n’être plus.

                                                                         “Rose…

                                                           le sommeil de personne,

              sous tant de paupières.        (Rilke)
                                                                       
         
                                             o                                                      

                                             

                                         
                                         
                                                                                 

 

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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 11:30

                                                                                    Intime

Un gentleman farmer du temps présent

 

            Comment te dire, cher Maurice (en ce jour où nous fêtons ton anniversaire) ce que chacun sait ? Aussi, j’ai choisi de t’offrir –en plus de mes bons vœux, deux souvenirs personnels. Peut-être trop personnels, tu sauras me le pardonner.

            Du premier souvenir, la scène se déroule loin d’ici. Dans le nord. Très au-delà du Rhône. Entre la Bresse et la Dombes. Au château d’Ars. Le lieu où naquit et grandit celle (chérie entre tous) qui eût l’audace, le mérite et la bonne idée de devenir ta femme. Ici, on applaudit !

            C’était, t’en souviens-tu, il y a tout juste vingt ans. On célébrait plusieurs anniversaires dont le tien. Une coupe de champagne à la main, à l’ombre du grand séquoia, la famille, les amis étaient réunis. C’est alors… C’est alors que je te fus présenté.

            Deux ans. Il m’avait fallu attendre deux ans, –deux ans de probation, avant d’être jugé digne, et pris par la main, pour être introduit à la cour. Du pied de la demeure, tu regardas longtemps (elle était vêtue de lin blanc –il te faudra attendre un peu pour admirer la courbe dorée de son dos dénudé) –tu regardas longtemps, du haut de la demeure, approcher Carla. (“Une merveilleuse créature du Bon Dieu”). Lentement, sous le soleil, elle montait le pré. Elle n’était pas seule. A ses côtés, un drôle de type, venu d’on ne sait où l’accompagnait. Et ce type, un Frank Ribery en moins beau, modestement, c’était moi.

           Qui que tu sois, étranger, tu es le bienvenu. A fortiori présenté par Carla.”. Ce message implicite, je l’ai reçu pleinement. Il ne s’est jamais démenti. Vous êtes devenus pour moi ce que l’on appelle de nos jours “une famille d’élection”. Gratitude à vous tous. Une question cependant pour moi demeure. Peut-être pourras-tu y répondre. Ce jour là, qui était solennel, portais-tu, Maurice, une cravate ?

            Te dirais-je enfin, devant tout le monde, mon second souvenir ? Il se situe dans le temps, un mois plus tard. On se trouve cette fois sur la rive gauche du Rhône. Au pied des monts du Bugey. Au lieu-dit Annolieu. Un mot m’est venu à l’esprit : Diversité, dès que je vis la demeure. Etait-elle un hameau ? Une ferme ? Une oasis ? Un relais de chasse ? Un lieu bourré de livres ? Une usine à gaz (biologique) ? Une ancienne magnanerie ? Un centre culturel de rencontre ?

            Tout au bout du champ, dépassant les maïs, s’élevait une étrange bâtisse. Un monument qui figurait l’Ennemi, l’Adversaire. Monument dont l’architecture ressemblait, en mieux, à l’Opéra Bastille dans la capitale. Annolieu, depuis longtemps, avait abandonné l’élevage. La culture de la vigne. L’entreprise se voulait résolument céréalière. J’ai pensé : “Aptitude au changement. Conscience aiguë des problèmes du temps. Savoir vivre.” Et le chien, qui s’appelait Oscar, ami par esprit de famille des chats et des visiteurs, m’inspira, sans risque de me tromper cet autre mot : Hospitalité.    

            Beaucoup de monde était là, divers, coloré. Et d’abord une grande vieille dame, droite, dont le regard vous évaluait, et qui n’eut pas été autrement étonnée qu’on lui fasse, voyez-vous, le baiser de main. Elle n’est plus. Dieu s’il existe prend soin de son âme. Nous l’avons aimée.

            Et il y avait bien sûr les enfants. Les enfants du baby boom gaullien (il fallait repeupler la France), enfants du cru ou adoptés, enfants “SuperTramp” devenus grands ; aujourd’hui (et par chance) heureusement mariés. Devenus à leur tour pères et mères de jolies personnes diplômées, de garçons MP3, ou de jeunes filles libellules. (Tous ici.)

            Et je découvrais un lieu où sont venus se poser ou se reposer des humains de tout poil, de tout sexe, de toute condition. Des manants, des militants, des notables. Des ministres. Des syndicalistes musclés. Des marginaux fleuris. Une comtesse vigneronne. Des monarchistes bon teint. Des prêtres d’avant-garde. Un gourou de réputation mondiale. Des chrétiens très Vatican II. D’autres moins. Un globe-trotter savant au discours redoutable. Des âmes en cavale. Des bras cassés. Un avocat d’affaires de St-Sulpice-les-Feuilles. Jean d’Arabie. Un jeune libraire parisien. Des “french doctors”. Un psychiatre. Des fugitifs (dont l’un frappé à mort). Un policier au grand cœur. Des informaticiens bûcherons. Une horde sonore d’amateurs de rugby. Des journalistes chafouins. Des chercheurs japonais. Un jésuite défroqué. Et même, pour parfaire le tableau par une note romantique : une hirondelle d’Extrême-Orient venue, à tire d’aile et d’avion, sous le toit faire son nid. (Ici encore on applaudit !).

            Un coin de France hospitalier comme on les aime. Le maître des lieux, à mes yeux, était un gentleman farmer. Un gentilhomme fermier du temps présent. Converti tout récemment au jardinage. Devenu numismate. Et, il y a peu (nul n’est parfait) : chasseur d’étains. Il voulut bien être un ami. Celui que je consulte toujours sur les grands sujets. Et il était le premier lecteur de petits textes que je concoctais. Il m’accepta comme un frère. Un frère de six mois son aîné (il ne manque jamais de me le faire savoir). Il est, je vous le confie, la figure d’un des hommes de ma vie. Je l’aime, l’admire, le trouve beau et l’embrasse.

                                                                          Arnold

                                                         Annolieu le 22 août 2009
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7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 09:26

                                                                                                                                          Intime

Vers le pays perdu

 

            Blesle. Ce village médiéval jadis fortifié s’allonge à l’étroit entre rivière et montagne. Il abrita pendant des siècles une abbaye bénédictine. Une tour de guet, un donjon, un haut clocher roman sont les vestiges d’un passé glorieux. Qui connaît Blesle à présent ? Cette bourgade est pour Carla et moi, aujourd’hui, une tête de pont, un poste avancé.

            A mille mètres en deçà : notre hôtel : “Le Scorpion”, abrite notre quartier général et notre camp de base. C’est une bâtisse jaune, posée dans un pré, au pied de la falaise, au bord de l’Allagnon. L’hôtelier (hollandais taciturne) n’a jamais entendu parler de Descartes et  de Spinoza. Mais la saison pour lui a été bonne. Et il se dispose à partir en automne en “Nollande” pour marier ses deux filles. Ce détail, purement anecdotique, n’a rien à voir avec la suite du récit.

            Le choix de Blesle comme poste avancé était une erreur stratégique. On n’attaque pas le Cézallier par le flanc Est. Ce massif est un “pays coupé”, morcelé par des gorges profondes. Sur les hauteurs, pour atteindre quelques maisons qui semblent proches, à portée de voix, il vous faut faire un long détour de plusieurs kilomètres. Les vallées qui paraissent conduire à un col, finissent en cul de sac. Sous l’ombre des forêts vous longez la Voireuse, parvenez à La Vialle, ou au village de Leyvaux, et c’est l’impasse. La route s’arrête net, prend l’aspect d’un chemin pierreux ou herbeux. Les sommets sous le vent vous sont refusés.

            Vous ne regrettez pas votre erreur. A votre insu, vous êtes entré dans une contrée de l’impensable. Une église rustaude s’y trouve implantée. Son clocher en peigne, très beau, surplombe des maisons en ruines assaillies par les ronces. Comment, pendant des siècles, et jusqu’il y a peu, des humains ont-ils pu vivre là ? Pauvres, isolés, sans gaz, sans électricité, sans auto, sans téléphone, sans recours, à dix kilomètres du bourg le plus proche ? De cet inconcevable pour l’homme contemporain, nos meilleurs écrivains actuels (tous issus du Massif Central) ne sont pas vraiment revenus. Ils trouvent en cette stupeur, je le crois, l’origine de leur force littéraire.

            Vous rebroussez chemin. Non morose, mais songeur. Et c’est la fin du premier jour.

 

            A l’hôtel Scorpion, l’état-major tient conseil. L’assaut du Cézallier n’est pas l’opération première. Le but convoité est ponctuel. Il s’agit de localiser, puis d’atteindre, un petit hameau. Un hameau perdu, solitaire, haut perché, des hauteurs duquel, dans le lointain, se découvre le dôme, ou l’ombre, du Mont Luguet. C’est du moins ce que mentionne le document. Le roman de Pierre Jourde (notre indicateur, écrivain, dont le père est originaire de l’endroit) nous livre, si l’on y regarde d’un peu près, un itinéraire très précis. L’auteur, hélas, a dû se montrer prudent. Et taire les toponymes. Une replongée dans le texte s’impose :

            “…On va de ramification en ramification, est-il écrit, avec cette circonstance aggravante qu’on emprunte toujours la branche secondaire.” “On prend la direction d’une bourgade écartée de deux kilomètres. Mais on ne va pas jusque là. On bifurque à nouveau très vite vers un autre village moins important. On longe une vallée de prairies et de vergers entre les montagnes couvertes de petits chênes presque estompées d’usure.”.Et plus loin : “Encore un plateau à l’extrémité duquel, un bref instant, avant de replonger (..) dans une pente obscurcie par des sapins noirs, on peut apercevoir le but.”. Enfin, sur une autre page : “Aujourd’hui, on a prolongé la route. Elle va rejoindre les hautes prairies où les troupeaux de Salers restent à l’estive. Mais elle passe derrière le hameau qui persiste ainsi dans son statut de cul de sac.” “A peine un lieu.”. “C’est un pays perdu, dit-on. Pas d’expression plus juste. On n’y arrive qu’en s’égarant. Rien à y faire, rien à y voir.”

            C’est précisément l’évocation de ce rien qui nous fascine et nous attire, Carla et moi. Mais accompagné de “cette jouissance des grands dévalements en plein ciel et de cette liberté ”. C’est exactement ce que nous sommes venus chercher. En communion d’âme, espérons-nous, avec le beau livre de Pierre Jourde, “Pays Perdu (1)

            “Là est notre objectif”, décidons-nous, un doigt planté sur un point indiqué sur la carte. Tout de même, pour nous en assurer, nous pratiquons à Blesle le renseignement. –“Ah ! oui, répond le villageois, nous avons entendu parler de ce Monsieur Jourde. Son village,en effet, porte le nom que vous mentionnez. C’est bien ça Henriette ?”. Henriette confirme, c’est bien ça.

Deuxième jour.

            Dès six heures du matin, le lendemain, nous sommes sur la route. Chemin cette fois des écoliers, lesquels flânent, se dévoient, mais savent parfaitement où ils vont.

            Le plaisir fût celui des cimes. Des grands horizons. Du spectacle des troupeaux paisibles. La joie également de vérifier que nous avons bien lu. Le site, le hameau séparé en deux, les maisons de pierre, le petit cimetière sont proches de ce que l’auteur nous avait donné d’imaginer. La surprise est de trouver la vie, plutôt que le rien. Des petites dames aimables, en tablier, sur le seuil des maisons. De jeunes hommes gais, qui nous adressent un geste amical du haut de leurs tracteurs bleus. Enfin au bout du hameau, la maison de Pierre Jourde, restaurée, fleurie. Désormais une demeure de vacances…

            Etat-major satisfait. Atteint le but qui avait incité à partir. Restait à prendre le Cézallier. A parcourir ses flancs. Et, en guise d’apothéose, à gravir le chemin pierreux qui mène au sommet du Luguet, volcan allongé plus élevé que le Puy de Dôme, qui culmine à une altitude de 1550 mètres. Là, nous découvrir au sommet d’un triangle horizontal presque isocèle. Un triangle dont la base, parcourue du regard, est déterminée au nord par la cime du Sancy, au sud par le Plomb du Cantal. Entre ces ombres lointaines : un horizon désert, immense et fabuleux, où serpentent les lignes voluptueuses d’un corps de femme à la peau d’herbe, offerte sous le soleil. La séduction originelle.

                                                                              Ö

(1) – Pierre Jourde « Pays Perdu », Editions l’Esprit des Péninsules, 160 pages, 2003.

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29 août 2009 6 29 /08 /août /2009 07:38

                                                                                                   Pour Chantal F.

                                     Sous les catalpas

 
 
                1                                                    3
    Une   table  ronde                          Pensives  les  palmes            

    Sous les catalpas                           Quand l'oiseau passa

    Des fauteuils en nombre                 D'où vient ce grand calme

    Quelques  petits plats                    Ce  bleu  nirvana

    L’herbe rose est tendre                  Que  lis-tu  Yoann

    Sous  le  pied,  le pas                     Connais-tu  Anna ?

    Le chat rêve à l’ombre                    Bienvenue  Goran

    Le loup n’y est pas                         Voici   Mathida


 
                2                                                  4

     On s’en vient sans armes                  L'esprit vagabonde

     Sous   les   catalpas                       Sait-on où il va ?

     Aucun ne s’acharne                        On parle des bombes

     A  prendre  le  pas                        Des arts,  des Etats

     S’apaisent les larmes                     Mao dans sa tombe

     Sombrent les tracas                      N'objecterait pas

     Aucun ne condamne                       On refait le monde

     Sous  les  catalpas                        Sous  les catalpas

              

                                                5

                                   Et  c’est  une  dame

                                   Issue de la Dombes

                                   Qui conçut cette ombre

                                   Où la peur n’est pas

                                   Un cœur et une âme

                                   Qu’un dieu seul créa

                                   Un sourire un charme

                                   Qu’un chant célébra

 

                                   Un matin à l'ombre 

                                   Sous  les  catalpas….


                                  o

 


                                                                

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15 août 2009 6 15 /08 /août /2009 07:19

                                                                                                                           Intime                               
                                           
                                                15 Août

 

 

    En ce dimanche d’Août                         Dans l’allée cavalière

    Dans Lyon désert j’erre                       Un essaim d’enfants riches

    Me voici dans le parc.                         Vole vers la volière,

    Sur le banc deux mégères                    Vers les vieux éléphants

    Sont posées près du lac                       Et le pré où la biche

    Près de l’onde où naguère                     Entourée de ses faons

    J’ai canoté, scout.                               En frissonnant, broute.

 

    Sur le vieux banc de pierre                 En ce dimanche d’Août

    Que la mousse veloute                         Que devient ma gazelle

    Les deux vieilles sorcières                   Dont le ventre est si doux ?

    Ont fini par se taire                           Près du grand conifère

    Elle ouvrent leurs sacs                        Sous l’abri, serait-ce elle ?

    J’entends le pain qui craque                 C’est un vieux phacochère

    Le pain du casse-croûte.                     Ce désert me rend fou.

 

   Je fais une prière                                 Notre-Dame du 15 août

   Machinale, un peu courte                       Au félin solitaire

   Pour les deux chiffonnières                   A la mine interlope

   Ces deux Dames du lac                          Qui se tourne vers vous

   Qui ont vu les deux guerres                   Direz-vous où se terre

   Et commis bien des frasques                  La petite antilope

   Sans cracher dans la soupe.                  Qui viendrait solidaire

                                                             Se jeter à mon cou.

 

                                    Je sais, mon cœur blessé

                                    Vous demande beaucoup

                                     Et ce soir adossé

                                     Dans une humble gargote

                                     Le regard convulsé

                                     Je fixerai mes bottes

 

                                    Je le sais Bonne Mère

                                    Et j’accuse le coup.

                                                                                   Août 1963
                                    o 

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  • : Le blog du Marquis de St-just
  • : Un regard ironique sur soi-même les choses et les gens plus recension de livres.
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