Société
D’Ormesson sur les ondes
Ce jeune homme de 85 ans, on le sait, a le sourire malicieux et le regard bleu faïence. Aux yeux de notre monde apeuré, rigolard ou morose, il offre une image singulière. L’image aimable, non contrefaite, d’un homme heureux. Cet académicien qui a fait Normal Sup est certes un chanceux. Les fées à sa naissance l’ont gratifié de tous les dons. Lui ont donné la santé, l’intelligence et le privilège d’être beau. Lui ont de surcroît offert un nom, ensuite une riche éducation. Tout ce qu’il faut pour réussir dans la vie et s’y sentir heureux. Tout, également, pour susciter l’envie, la jalousie, et se faire détester. Il n’est pas tous les jours facile d’être un prince. De bénéficier d’un trop bel héritage. Il existe de pauvres petites filles riches, des nantis anxieux, et d’autres qui ne voient pas l’obscénité de posséder une trop longue berline noire ou un 4 x 4 massif.
Il s’est trouvé que Jean a fait le bon choix. N’a emprunté ni le chemin du pouvoir ni celui de l’argent. Il a fait le choix de la liberté. Celui de devenir écrivain. De tenter par l’écriture de comprendre le monde et les gens. “Au point d’être rarement de sa propre opinion” (le mot de Valéry qu’il aime citer). Il ne s’aveugle donc nullement sur l’envers du monde. “Le monde, selon lui, est aussi épouvantable qu’il est merveilleux”. Jean avoue simplement “qu’il était doué pour le bonheur”. Si Dieu pourtant lui demandait s’il voudrait recommencer sa vie, à la différence de Philippe Sollers, il dirait non. Il a conquis sur son milieu cette hardiesse, formulée sans ressentiment. Seulement : “Une vie suffit.”. On ne peut me dis-je qu’aimer cet homme. Et pas seulement parce qu’il aime l’Europe, les Roms et les Roumains. Mais du fait de sa qualité dominante. Celle-ci désuète, héritée peut-être de l’antique France. Jean est mieux qu’un gentilhomme. C’est un homme gentil.
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